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PORTRAIT: Gaël Darren Maganga, chasseur de virus

Le virologue Gaël Darren Maganga fréquente au quotidien les virus les plus féroces, ceux qui deviennent une menace mortelle quand ils se transmettent des animaux aux humains, comme Ebola ou le Covid-19. Ce chasseur de virus codirige l’unité « Émergence des maladies virales » du Centre interdisciplinaire de recherche médicale de Franceville (CIRMF) au Gabon, l’un des deux laboratoires « P4 », hautement sécurisé, en Afrique.

Un goût pour la recherche

Gaël Darren Maganga, aujourd’hui enseignant-chercheur en virologie, pensait devenir agronome ; sa mère l’aurait vu médecin, mais par l’entremise d’une bourse de l’État gabonais, il s’est dirigé vers les études de vétérinaire au Sénégal, puis en France, à Toulouse, avec une spécialisation en épidémiologie animale. La fréquentation des scientifiques pendant ses études lui ayant donné le goût de la recherche, après un master en parasitologie microbienne, Gaël Maganga est arrivé directement au laboratoire de Franceville, au Gabon, en 2009, pour faire sa thèse sur les virus à ARN – acide ribonucléique – des chauves-souris d’Afrique centrale, comme Ebola ou Marburg. Le virus était entré dans sa vie.

De la forêt au laboratoire

Partir en forêt, chercher les chauves-souris qui sont les réservoirs du virus Ebola, revenir en laboratoire pour exploiter les données, puis repartir en forêt, c’est le quotidien, parfois dangereux, du chercheur. « C’était extrême, on se retrouvait dans des grottes où l’on ne voyait rien, immergés dans l’eau, raconte-t-il. Une fois, il y avait des serpents au-dessus de nos têtes », et cela pour capturer des chauves-souris éventuellement porteuses de virus mortels. Mais pour le chercheur, « c’était risqué mais palpitant ».

De retour au laboratoire P4, la recherche sur ces virus se fait dans des conditions de sécurité maximales. Puis il faut repartir en forêt, encore et encore. Pour autant, « le travail de terrain apporte une connaissance du contexte indispensable au travail de laboratoire », estime le professeur Maganga.

Des sentiments ambivalents

Le laboratoire du CIRMF est un centre de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), équipé pour faire le diagnostic des maladies virales et des arboviroses.
Mais quand il trouve, le sentiment du chercheur est ambivalent : « Je réalisais les diagnostics Ebola, et en voyant les résultats positifs sur machine PCR, il y avait d’un côté le drame d’une maladie mortelle dans la région, et de l’autre, la satisfaction du diagnostic positif et des publications qui en découlent ».

Et la récompense arrive quand Gaël Maganga découvre, par test PCR, le virus de Marburg dans une chauve-souris, une découverte qui lui permettra de publier dans des revues scientifiques cotées et de nouer de nombreuses collaborations internationales.

Le coronavirus ? Une demi-surprise

Quand l’information d’une nouvelle épidémie partie de Chine est arrivée aux oreilles de Gaël Maganga, « c’était une demi-surprise, souvent, on se demande quand arrivera la prochaine ». Ce nouveau coronavirus était proche d’un autre, le virus du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), qui était apparu au début des années 2000. Mais pourquoi cela recommençait-il aujourd’hui ?

En réponse, le chercheur attire notre attention sur les pratiques qui ont lieu dans certaines régions du monde, comme les marchés d’animaux vivants où il y a à la fois un mélange d’espèces et une proximité avec les humains, et qui « sont de véritables bombes biologiques : toutes les conditions sont réunies pour favoriser l’émergence de maladies ».

Traiter le mal à la source

« 70 à 75% des maladies aujourd’hui sont d’origine animale », explique Gaël Maganga. En Afrique, il y a beaucoup de proximité entre l’humain et la faune sauvage : la chasse, l’exploitation forestière intensive, les activités champêtres.

Pour le professeur Maganga, le meilleur moyen de lutter contre une épidémie est d’identifier le plus rapidement possible l’animal-réservoir pour l’isoler et couper la chaîne de transmission avant que le virus n’ait sauté la barrière des espèces, de l’animal à l’humain, car ensuite, la transmission interhumaine s’emballe très vite et il reste à découvrir les vaccins et les traitements.

Du travail en perspective

Suite à la publication d’un article montrant la présence d’une grande diversité de coronavirus chez les chauves-souris du Gabon, un programme chargé attend le laboratoire de Franceville : « Nous venons d’obtenir deux financements qui vont permettre de travailler sur le coronavirus, sur le réservoir animal et l’implication potentielle des animaux domestiques dans le cycle de transmission ».

Le laboratoire continue à travailler sur Ebola, les virus de la dengue, le chikungunya et Zika. « Dès que des épidémies apparaissent dans notre région, nous sommes tout de suite sollicités, poursuit Gaël Darren Maganga. On mène des programmes de recherche et en parallèle, on assiste les équipes de riposte sur le terrain ».

Devenu virologue au Gabon, le professeur Gaël Darren Maganga a finalement réuni la médecine des animaux et celle des humains. Mais entre recherche et enseignement « ça ne s’arrête jamais ».

RFI