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PROCES THOMAS SANKARA : Elysée Yamba Ilboudo, le premier accusé à la barre

Le deuxième de jour de la reprise du procès Thomas et de ses 12 compagnons ce 26 octobre 2021 a débuté par les échanges sur la mémoire d’annulation de citation à comparaître de l’accusé Ninda Tondé et la comparution du premier accusé, Ilboudo Yamba Elysée.

En effet, pour Me Ollo Hien, son client était au début des faits, accusé de subordination de témoin. Par la suite, il sera également reproché des faits de recel de cadavres. Un grief qui vient se greffer à la citation directe. Il fonde ses arguments sur le fait qu’il y aurait de multiples erreurs dans le dossier de son client. C’est pourquoi il a demandé la nullité pure et simple de la citation de comparaitre. « Lorsque vous passez de prévenu à accusé, c’est un grief et ce n’est pas parce qu’on juge devant une chambre criminelle que ça fait de vous un criminel », laisse-t-il entendre. Maître Ollo Hien demande la libération de Ninda Tondé.

Un argument battu en brèche par la partie civile qui plaide contre cette annulation. Pour elle, l’accusé a pu préparer sa défense et il sait pourquoi il est là. Elle notifie que ce qui est important, c’est de connaître les charges qui ont été retenues, qu’il soit prévenu ou accusé. « Il n’y a pas de changement de nature de l’infraction reprochée à Ninda Tondé. Vous avez largement eu le temps de changer cet arrêt dans la mesure où vous pensiez qu’il contient des griefs », affirme le parquet militaire. La chambre a purement et simplement rejeté la demande de libération de Ninda Tondé.

A l’issue de cette bataille juridique sur la forme, le Parquet militaire a procédé à la visualisation de sept vidéos qui ont précédées les évènements du 15 octobre 1987. Il s’agit de vidéos diffusées sur la Radiotélévision du Burkina (RTB) les 15, 16, 19, 20, 26 et 28 octobre. Pour le parquet, ces sorties médiatiques (dans l’ordre chronologique) étaient une vaste campagne d’explication lancer par le président Blaise Compaoré et son Front populaire pour discréditer le pouvoir de Thomas Sankara. « Pour nous, il s’agit de planter le décor, afin que les uns et les autres sachent que les évènements du 15 octobre ne pouvaient survenir », a expliqué le Parquet.

Le décor étant planté, le premier accusé, Ilboudo Yamba Elysée s’est présenté à la barre. Il a reconnu les faits qui lui ont été reprochés. Né en 1959 à Kombissiri, l’accusé Ilboudo était chauffeur militaire au moment des faits. Admis à la retraite depuis 2005, l’accusé semble quelque peu troublé à la barre. « M. Ilboudo, soyez serein. Nous, nous sommes là pour vous juger. Nous ne sommes pas là pour vous accuser », a rassuré le président du Tribunal militaire. « Je suis à l’aise », a-t-il rassuré au président du Tribunal. Il dit avoir conduit Hyacinthe Kafando ainsi que d’autres hommes à bord de deux véhicules, du domicile de Blaise Compaoré sise derrière l’ex Assemblée nationale, au site du Conseil de l’entente. Et étant un militaire, il n’a obéi qu’aux ordres de son supérieur hiérarchique. « Lorsque nous sommes arrivés, nous nous sommes dirigés vers le bâtiment Togo. Nous nous sommes garés et Hyacinthe, ainsi que tous les autres occupants (sauf lui), sont montés au 1er étage, 5mn plus tard ils sont redescendus et Hyacinthe a dit qu’on s’en va. Et lorsque nous sommes arrivés devant le secrétariat du Conseil de l’Entente, où se tenait une réunion entre Thomas Sankara et ses collaborateurs, Maïga (l’autre chauffeur) a « virgulé » et a stationné devant le secrétariat. J’ai voulu continuer, et Hyacinthe a tourné mon volant par force et j’ai heurté la porte du secrétaire. Mon véhicule était endommagé. Tous les occupants des deux véhicules sont descendus et ils ont commencé à rafler. J’ai vu le président Sankara sortir les mains en l’air suivi de Frédéric Kiemdé. Dès qu’il est sorti, ils ont été immédiatement abattus. Par qui ? interroge le procureur. « C’est Hyacinthe et Maïga qui étaient devant. Thomas Sankara s’est agenouillé, a-t-il poursuivi, avant de tomber sur le flanc gauche », a-t-il témoigné. Et que faites-vous à ce moment ?, interroge toujours le président du Tribunal. « J’étais assis dans mon véhicule », a-t-il répondu.

Après une suspension, l’audience a repris autour de 14h 20 mn. Toujours à la barre, l’accusé dit avoir eu un accident qui ne lui facilite pas la tâche de la station débout prolongée. Le président a donc demandé à ce qu’on lui apporte une chaise. « Nous te voulons vivant plutôt que mort », a indiqué le président. Tour à tour le Paquet a rappelé au sieur Ilboudo de ses déclarations devant le juge d’instruction. Il s’agit de son rôle exact ce soir du 15 octobre, des types de balles utilisées (ordinaires ou incendiaires). Il semble ne pas reconnaitre certains propos tenus lors de l’instruction. « Je suppose que vous mesurez la gravité de votre acte mais vous n’avez pas le courage de dire ce que vous avez fait », a indiqué le Parquet. Pour lui, soit l’accusé ne veut pas dire la vérité, soit qu’il l’oublie volontairement. « Vous pouvez opter aussi la stratégie du silence, c’est votre droit », a-t-il lâché. L’une de ses déclarations lors de l’instruction qui a retenu l’attention du Parquet, c’est le fait que l’accusé a indiqué qu’il ne savait pas qu’il partait (parlant du commando) pour faire un coup d’Etat à plus forte raison ôter la vie d’innocentes personnes.

Des incohérences dont la partie civile veut avoir la confirmation. « Avez –vous connaissance de qui était Sankara au moment des faits ? », demande Me Zeba. « Oui, c’était le président de la république », a-t-il répondu. « Et vous étiez préoccupé par le radiateur de votre véhicule pendant qu’on tire sur votre président ? », rétorque Me Zeba. « Si j’avais essayé de réagir, j’aurais subit le même sort qu’eux », a-t-il indiqué. « Vous avez également déclaré à deux reprises au juge d’instruction que le Lieutenant Diendéré Gilbert était présent sur le site du Conseil de l’entente avec ses hommes », demande Me Zeba. « Je ne me rappelle pas avoir dit ça », nie l’accusé. « Vous avez donc menti au juge d’instruction ? », réplique Me Zeba. Néanmoins, Me Zeba après avoir cherché à avoir la confirmation, si l’accusé avait donc menti au juge d’instruction, a salué son courage pour avoir été entendu à 6 reprises par ce dernier. L’audience est suspendue pour être reprise le mercredi 27 octobre 2021 à la salle des Banquets de Ouaga 2000.