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L’INDICE DE PERCEPTION DE LA CORRUPTION 2018 : Le Sénégal dans la zone rouge

SECTION SÉNÉGALAISE DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL

DECLARATION DU FORUM CIVIL SUR L’INDICE DE PERCEPTION DE LA CORRUPTION 2018

INTRODUCTION

Comme chaque année depuis 1995, Transparency International publie les résultats de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC). La corruption étant un phénomène complexe et souvent caché, l’IPC est un outil parmi d’autres qui veut aider à l’appréhender. Transparency International dispose d’autres instruments qui permettent de mieux connaitre la corruption dans le monde. Parmi ceux-ci, on peut citer le Baromètre Mondial de la Corruption, qui est un sondage d’opinion sur la petite corruption pratiquée au quotidien par les citoyens. L’on peut citer aussi l’Indice de Corruption des pays exportateurs qui étudie la corruption active pratiquée dans le cadre des transactions commerciales internationales et qui propose un classement selon l’état de la corruption dans les pays les plus riches et ceux émergents ; il y a également, parmi les outils de TI, le Rapport mondial sur la corruption qui, chaque année, se focalise sur un thème ou un secteur d’activité précis (éducation, santé, marchés publics etc.).

Tous ces outils de mesure convergent vers le même objectif qui consiste à aider à mieux cerner la réalité de la corruption dans le monde et à susciter la volonté de l’Etat, du secteur privé, des médias et de la société civile à s’engager à combattre plus efficacement le phénomène de la corruption.

L’IPC est un indice composite, utilisé pour mesurer la perception de la grande corruption dans le secteur public et la classe politique dans différents pays du monde. Tous ces instruments de mesures qui convergent vers le même objectif et qui consistent à sensibiliser l’opinion publique sur l’état de la corruption et à susciter la volonté politique des gouvernements à lutter effectivement contre le phénomène. Ces stratégies, dans leur mise en œuvre, permettent de développer la recherche scientifique et de produire de nouvelles connaissances sur la gouvernance financière.

APPROCHE METHODOLOGIQUE

Le calcul de l’IPC est sous-tendu par une démarche scientifique qui fait appel à des données collectées sur une période de seulement un an.

Pour ce faire, la méthodologie est bâtie sur :

Une sélection des sources de données : dans le souci de faire preuve d’une véritable rigueur scientifique et dans l’obligation de se fier à la validité des données utilisées, celles-ci proviennent d’institutions professionnelles qui indiquent clairement leurs méthodes de collecte des données,

L’IPC 2018 a collecté des données auprès de treize (13) structures professionnelles. Il s’agit de :

 African Development Bank CPIA;

 Bertelsmann Fundation Sustainable Governance Index;

 Bertelsmann Fundation Transformation Index;

 Economist Intelligence Unit Country Ratings;

 Freedom House Nation in Transit Ratings;

 Global Insight Country risk Ratings;

 IMD World Competitiveness Yearbook;

 PERC Asia Risk Guide;

 PRS International Country Risk Guide;

 World Bank CPIA;

 World Economic Forum EOS;

 World Justice Project Rule of Law Index;

 Varieties of Democracy Project

• le Calcul de l’IPC : chaque source établie sur une échelle où la note la plus basse correspond au niveau le plus élevé de corruption. Une fois l’échelle inversée, les notes sont standardisées en leur soustrayant la moyenne des données, puis en divisant le résultat par l’écart-type.

• Dans l’indice, l’élément central qui est pris en compte dans le classement, c’est plus le score que le rang

• L’indice est établi dans un continuum de 0 à 100 (0 est le niveau de corruption le plus élevé, 100, le point d’intégrité idéal). L’Indice de Perception de la Corruption (IPC) 2018 couvre 180 pays.

RAPPEL DES SCORES ET DES CLASSEMENTS DU SENEGAL AU COURS DE

Si l’on fait une comparaison des données, depuis 2016, nous constatons une stagnation du Sénégal dans la zone rouge. Le Sénégal a cessé de progresser. Il conserve son score de 45 sur 100 mais il reste dans la zone rouge, c’est-à-dire en dessous de la moyenne mondiale qui est de 50/100.

Dans l’IPC l’élément substantiel qu’il faut considérer est plutôt le score que le classement. Ce dernier varie en fonction du nombre de pays concerné. C’est pourquoi le Sénégal doit encore faire beaucoup d’efforts pour sortir de la zone rouge c’est-à-dire dépasser le score de 50/100.

RÉSULTAT DU SÉNÉGAL DE L’IPC 2018

La stagnation du Sénégal dans la zone rouge après une période de progression est due à un affaiblissement de la volonté politique de lutter contre la corruption qui se manifeste par :

 La non transmission de dossiers relevés par les organes de contrôle à la justice que le

Président dit mettre son coude ;

 Les réformes juridiques opérées, qui ne vont pas dans le sens du renforcement de l’indépendance des juges ;

 Les prolongations injustifiées de mandats ou d’activités au niveau des instances de régulation (juridictions ou autorités indépendantes) ;

 L’arrêt inexplicable et inexpliqué de la politique de traque des biens mal acquis, forte demande sociale de redevabilité ;

Elle s’explique aussi par :

 Le refus incompréhensible de l’Inspection Générale d’Etat (IGE) et de la Cour des comptes de publier des rapports d’audits et de redditions des comptes ;

 La tiédeur de l’intervention de l’OFNAC et de l’ARMP dans l’amélioration de la Gouvernance ;

 La quasi absence du ministère en charge de la bonne gouvernance du champ de la lutte contre la corruption

 L’inexistence de commissions d’enquête parlementaire ou de traitement judiciaire de nombreux cas de mal gouvernance soulevés au Sénégal : Affaires Bictogo, Pétrotim ltd, Prodac, la gestion du fonds de promotion féminine

AU NIVEAU AFRICAIN (en dehors des pays maghrébins)

Une analyse des résultats au niveau africain montre que le Sénégal est à la 8eme place avec un score de 45, derrière les Seychelles (66), le Botswana (61), le Cap-Vert (57), le Rwanda (56), la Namibie (53), l’Ile Maurice (51) et le Sao Tomé et Principes (46). Force est de signaler qu’entre le 1er africain et le Sénégal, il y a un écart abyssal de 21 points.

AU NIVEAU DE LA CEDEAO

Parmi les quinze (15) pays qui constituent de la CEDEAO, seul un (1) pays est en dehors de la zone rouge, à savoir le Cap-Vert avec un score de 57 points. Il devance le Sénégal de 12 points.

AU NIVEAU DE L’UEMOA

Tous les pays de l’UEMOA sont dans la zone rouge. Aucun pays membre de l’organe communautaire n’a obtenu la moyenne de 50/100. Le Sénégal vient en tête avec un score de 45 points suivi du Burkina Faso (41 points), du Bénin (40 points), de la Côte d’Ivoire (35 points) etc.

RECOMMANDATIONS :

Pour sortir de cette zone rouge, le Forum Civil propose de mettre en place un cadre de concertation pour définir un Plan de Progression Efficace (PPE) de trois (3) ans pour porter le score du Sénégal au niveau des pays comme le Rwanda, la Namibie ou l’Ile Maurice.

Ce plan doit être négocié entre l’exécutif, le parlement, la justice, l’OFNAC, le secteur privé, la société civile et les médias.

Ce plan comprendrait trois axes :

– Axe 1 : Compléter le dispositif juridique de prévention et de lutte contre la corruption, notamment en adoptant des lois sur l’accès à l’information (un travail consistant a été fait à ce niveau avec Article 19 et le Ministère de la promotion de la bonne gouvernance), sur la prévention des conflits d’intérêts, sur le financement des partis politiques, sur la protection des lanceurs d’alerte, sur l’interdiction aux agents des régies financière de faire de la politique et tout autre dispositif juridique pouvant renforcer cet axe. Des avant-projets de lois existent déjà et, sont bien avancés ;

– Axe 2 : Travailler à changer le comportement des acteurs de la Gouvernance pour plus d’intégrité, notamment en mettant en œuvre des programmes d’éducation à la citoyenneté active

– Axe 3 : procéder à des sanctions positives et négatives. Faire des sanctions positives pour célébrer l’intégrité et établir un ordre de distinction national sur la question. Faire des sanctions négatives notamment en luttant efficacement contre l’impunité. La responsabilité de l’initiative d’un plan concerté incombe avant tout à l’Etat pour assurer, un meilleur résultat dans la lutte contre la corruption.

Dans le même sens, le Forum Civil recommande la réforme et le maintien de la Cour de

Répression de l’Enrichissement Illicite en la rendant conforme aux standards internationaux ;

La section sénégalaise de Transparency International recommande aussi à l’IGE, à la Cour des Comptes, à l’OFNAC et à l’ARMP de publier les rapports d’audits et de reddition des comptes qu’ils doivent aux populations conformément à la loi ;

Le Forum Civil invite encore le Procureur de la République à s’autosaisir sur l’affaire des 94milliards opposant Monsieur Ousmane SONKO et Monsieur Mamour DIALLO ;

Le Forum Civil invite aussi l’Assemblée nationale, en plus de l’affaire précitée, de mettre en place une commission d’enquête parlementaire sur les financements et réalisations des projets suivants : l’Autoroute Thiès-Touba, l’Autoroute Dakar-Diamniadio, le Pôle Industriel de Diamniadio, la réfection du Building Administratif, l’Autoroute Mbour-Kaolack, l’avance de démarrage de la route Fatick-Kaolack, la Cité de l’Émergence, le Centre International de Diamniadio, l’UNIDAK2 de Diamniadio, l’attribution du Port de Bargny, les concessions de NECOTRANS ainsi que les listes des « grands producteurs » bénéficiaires des différents mécanismes de subvention sur les intrants (engrais, semences matériels agricoles) normalementdestinés à améliorer de façon significative la production agricole du pays sans oublier les 380 milliards de FCFA consentis et investis dans l’acquisition d’équipement, de matériels agricoles, de semences et de fertilisants.

Enfin, le Forum Civil recommande à l’Etat de procéder à un audit exhaustif sur les réserves financières et le patrimoine foncier des Institutions de protection sociale comme l’Institut de Prévoyance Retraite (IPRES) et la Caisse de Sécurité Sociale (CSS) ainsi que toutes les transactions immobilières réalisées par la Caisse de Dépôts et Consignations et par l’ARTP notamment celle de la construction du siège de l’organe de Régulation des Télécommunications et des postes.

Dakar le 29 janvier 2019.

Birahime SECK,

Coordonnateur Général du Forum Civil, 77 519 88 41

Abdoul Maliky Bousso,

Membre du Bureau Exécutif du Forum Civil, 77 672 86 98