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ALGÉRIE : Le chef de l’armée demande de déclarer Bouteflika inapte à diriger

Ahmed Gaïd Salah demande que soit engagée une procédure prévue lorsque le président de la République se trouve « dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions ». L’opposition est circonspecte.

Même les militaires ne semblent plus soutenir Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Algérie. Ahmed Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’armée fidèle jusqu’ici au président algérien, a demandé mardi que soit engagée la procédure prévue par l’article 102 de la Constitution, lorsque le président de la République « pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions ».

Affaibli depuis 2013 par les séquelles d’un AVC, à 82 ans, le président Abdelaziz Bouteflika est confronté depuis plus d’un mois à une contestation sans précédent depuis son arrivée à la tête de l’État en 1999. Certes, il a renoncé à briguer un cinquième mandat,mais il a repoussé sine die la date de la présidentielle, initialement prévue le 18 avril, après l’élaboration d’une nouvelle Constitution, qui serait pensée lors d’une « Conférence nationale ». Il resterait ainsi au pouvoir après le 28 avril, date de la fin de son mandat.

Une solution « impérative » pour sortir de la crise

« Il devient nécessaire, voire impératif, d’adopter une solution pour sortir de la crise, qui répond aux revendications légitimes du peuple algérien, et qui garantit le respect des dispositions de la Constitution et le maintien de la souveraineté de l’État », a déclaré le général Ahmed Gaïd Salah, également vice-ministre de la Défense, dans un discours diffusé à la télévision nationale.

« Une solution à même d’aboutir à un consensus de l’ensemble des visions, et de faire l’unanimité de toutes les parties, est celle stipulée par la Constitution, dans son article 102 », a-t-il poursuivi. Dimanche, les avocats avaient manifesté pour le respect de la légalité.

Après avoir testé, au tout début de la révolte, les arguments d’autorité et de menace, le général Salah a vite senti que le vent avait tourné. Au sein même de l’armée, soldats et officiers n’étaient pas prêts à se retourner contre le peuple. « L’armée n’avait pas d’autre choix que de vouloir destituer Bouteflika », juge un observateur à Alger.

Ce mardi après-midi, le Conseil constitutionnel a tenu une réunion en session extraordinaire après la demande présentée par le chef d’état-major de l’armée. Si la procédure est enclenchée, le président du Conseil de la Nation (la chambre haute, l’équivalent du Sénat français), prendra alors l’intérim pendant 45 jours. Si le président est déclaré inapte à l’issue de ce délai, la « vacance » du pouvoir est déclarée. L’intérim se poursuit durant 90 jours maximum, période durant laquelle une présidentielle est organisée.

Le président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaiz, 70 ans, est jusqu’ici un fidèle du chef de l’État et l’un de ses conseillers.

« Le peuple réclame le départ de tout le système »

Quelques klaxons ont accueilli la nouvelle à Alger mais la rue est restée circonspecte après les propos du général Gaïd Salah. « Cette annonce ne va pas régler la crise. Le peuple ne réclame pas uniquement le départ de Bouteflika, mais de tout le système au pouvoir », a expliqué Oumeima Khellaf, 24 ans, étudiante en tourisme.

Côté partis, largement marginalisés par le mouvement de contestation, le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), principale formation islamiste, a estimé que l’article 102 « ne permet pas la mise en œuvre de réformes » une fois appliqué et empêche de futures « élections libres ».

Ali Benflis, ex-Premier ministre d’Abdelaziz Bouteflika devenu l’un de ses principaux opposants a salué l’« engagement » de l’armée à trouver une solution satisfaisant « les revendications légitimes » du peuple algérien, mais a averti que « la mise en œuvre de l’article 102 » ne peut régler seule la crise.

Le Front des Forces socialistes, plus ancien parti d’opposition, a dénoncé « un coup de force contre la volonté populaire […] à savoir le départ du système et de ses hommes, et pas seulement du chef de l’État ».

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