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INDICE DE PERCEPTION DE LA CORRUPTION 2019 : Le Sénégal voit rouge

Le Sénégal a cessé de progresser dans son score. Il conserve son score de 45 sur 100 et reste dans la zone rouge à l’instar de tous les pays de l’UEMOA et de ceux de la CEDEAO sauf le Cap-Vert qui a obtenu une note de 58/100 donc, 1er de la zone économique de la CEDEAO. 

Dans l’IPC l’élément substantiel qu’il faut considérer est plutôt le score que le classement. Ce dernier varie en fonction du nombre de pays concerné. C’est pourquoi le Sénégal doit encore faire beaucoup d’efforts pour sortir de la zone rouge c’est-à-dire dépasser le score de 50/100. 

La stagnation du Sénégal dans la zone rouge après une période de progression (36/100 en 2012, 41/100 en 2013, 43/100 en 2014, 44 en 2015) est due à un affaiblissement réel de la volonté politique de lutter contre la corruption mais aussi à une situation de mal gouvernance, actée par un déficit criard de reddition des comptes ainsi qu’un accroissement de l’impunité. 

Ces deux phénomènes se manifestent par : 

➢ Le refus de la Cour des comptes et de l’IGE de publier leurs rapports de contrôle sur la gestion des ressources publiques et du patrimoine ;

➢ L’inertie du Président de la République face à la non publication des rapports et au refus d’un membre du Gouvernement à répondre à la justice : le cas l’ancien ministre de la micro finance ;

➢ La non transmission d’affaires relevées par les organes de contrôle à la justice que le 

Président dit mettre son coude ;

➢ Le déficit d’indépendance de la justice noté d’ailleurs par les acteurs du secteur ; ➢ Le maintien de l’illégalité au sein d’instances de Régulation (ARMP, CENA etc.) qui affaiblie l’exercice de leurs domaines de compétence ;

➢ L’arrêt inexplicable et inexpliqué de la politique de traque des biens mal acquis, forte  demande sociale de redevabilité ;

➢ L’impunité galopante voulue et entretenue par le Chef de l’Etat ;

➢ L’inertie de l’assemblée nationale et de la justice devant les affaires Bictogo, Prodac, et la  gestion du fonds de promotion féminine 

AU NIVEAU AFRICAIN (en dehors des pays maghrébins) 

Une analyse des résultats au niveau africain montre que seuls 6 pays sont en dehors de la zone rouge, à savoir : 

– Les Seychelles (66 points)

– Le Botswana (61 points)  

– Le Cap-Vert (58 points)  

– Le Rwanda (53 points)  

– L’Ile Maurice (52 points)

– La Namibie (52 points) 

Ces pays sont suivis par le Sao Tomé et Principes (46 points) et le Sénégal (45 points). Force est de signaler qu’entre le 1er africain et le Sénégal, il y a un écart abyssal de 21 points.  Il est aussi important de signaler le cas du Rwanda qui a perdu trois (3) points par rapport l’année dernière. Nous constatons aussi que l’Ile Maurice a devancé la Namibie. 

AU NIVEAU DE LA CEDEAO 

Parmi les quinze (15) pays qui constituent de la CEDEAO, seul un (1) pays est en dehors de la zone rouge, à savoir le Cap-Vert avec un score de 58 points sur 100. Il devance le Sénégal de 13 points. Nous constatons qu’au moment où le Sénégal stagne dans la zone rouge, le Cap-Vert quant à lui progresse en dehors de la zone rouge. Pour rappel, dans l’IPC 2018, le Cap-Vert avait une note de 57/100. 

AU NIVEAU DE L’UEMOA 

Tous les pays de l’UEMOA sont dans la zone rouge. Aucun pays membre de l’organe communautaire n’a obtenu la moyenne de 50/100. Le Sénégal vient en tête avec un score de 45 points suivi du Bénin (41 points), qui gagne un point par rapport à l’IPC 2018. 

Le Burkina Faso, quand à lui, a perdu un point par rapport à l’IPC 2018 avec un score de 40 /100. Au même moment, la Côte d’Ivoire stagne aussi, avec un score de 35/100. 

RECOMMANDATIONS : 

Pour sortir de cette zone rouge et atteindre le niveau du groupe des 6, le Forum Civil propose au Gouvernement de donner plus de force et vigueur à l’AXE 3 du PSE dans ses composantes Gouvernance et Institution, afin de promouvoir la lutte contre la corruption et la reddition des comptes. Pour ce faire, un Plan de Progression Efficace, négocié entre l’Exécutif, l’Assemblée nationale, la Justice, l’OFNAC, le secteur privé et la société civile, est nécessaire. 

Ce plan comprendrait trois axes : 

– Axe 1 : Compléter le dispositif juridique de prévention et de lutte contre la corruption, notamment en adoptant des lois sur l’accès à l’information, sur la prévention des conflits d’intérêts, sur le financement des partis politiques, en particulier une loi sur l’encadrement des financements des campagnes électorales, sur la protection des lanceurs d’alerte, sur l’interdiction aux hauts-cadres des régies financières de faire de la politique et tout autre dispositif juridique pouvant renforcer cet axe. Des avant-projets de lois existent déjà et, sont bien avancés ; Accompagner l’OFNAC dans le travail de révision de la loi sur la déclaration de patrimoine ; Mettre en place un organe chargé du recouvrement et de la gestion des biens mal acquis. 

– Axe 2 : Travailler à changer le comportement des citoyens et des acteurs de la Gouvernance pour plus d’intégrité, notamment en mettant en œuvre des programmes d’éducation à la citoyenneté active et à rendre opérationnelle la Stratégie nationale de Promotion de la citoyenneté qui devait être finalisée depuis fin mai 2019 selon les instructions du Chef de l’Etat faites lors du Conseil des Ministres du 10 avril 2019. 

– Axe 3 :. Faire des sanctions positives pour célébrer l’intégrité et établir un ordre de distinction national sur la question. Faire des sanctions négatives notamment en luttant efficacement contre l’impunité. La responsabilité de l’initiative d’un plan concerté incombe avant tout à l’Etat pour assurer, un meilleur résultat dans la lutte contre la corruption. 

Dans le même sens, le Forum Civil recommande : 

– la réforme et le maintien de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite, en la rendant conforme aux standards internationaux ; – à l’Etat de travailler à un audit exhaustif sur les réserves financières et le patrimoine foncier des Institutions de protection sociale comme l’Institut de Prévoyance Retraite (IPRES) et la Caisse de Sécurité Sociale (CSS) ainsi que toutes les transactions immobilières réalisées par la Caisse de Dépôts et Consignations et par l’ARTP notamment celle de la construction du siège de l’organe de Régulation des Télécommunications ; – à l’IGE, à la Cour des Comptes, à l’OFNAC et à l’ARMP de publier les rapports d’audits  et de reddition des comptes qu’ils doivent aux populations conformément à la loi ; 

Le Forum Civil invite aussi l’Assemblée nationale, à user de ses pouvoirs constitutionnels et législatifs pour éclairer les sénégalais sur les financements et réalisations des projets suivants : l’Autoroute Thies-Touba, l’Autoroute Dakar-Diamniadio, le Pôle Industriel de Diamniadio, la réfection du Building Administratif, l’Autoroute Mbour-Kaolack, l’avance de démarrage de la route Fatick-Kaolack, la Cité de l’Émergence, le Centre International de Diamniadio, l’UNIDAK2 de Diamniadio, l’attribution du Port de Bargny, les concessions de NECOTRANS ainsi que les listes des « grands producteurs » bénéficiaires des différents mécanismes de subvention sur les intrants (engrais, semences et matériels agricoles). 

Enfin, le Forum Civil encourage le Doyen des juges à tirer au clair les dossiers relatifs à l’affaire des 94 milliards et celle relative à Petrotim ltd ; 

Dakar le 23 janvier 2020. 

Birahime SECK, Coordonnateur Général du Forum Civil : 77 519 88 41