Pratiques homosexuelles en milieu carcéral : Quand le sexe et la prison sont liés
Le Sénégal compte 37 prisons, pour une population carcérale à peu près estimée à 10.000 pensionnaires. La promiscuité, le manque de moyens dans les établissements pénitenciers sénégalais favorisent des pratiques sexuelles souvent forcées. Un inconvénient à l’atteinte des objectifs pour l’élimination du VIH Sida.
La population carcérale sénégalaise a connu une hausse vertigineuse ces dernières années. Et malgré, les mesures prises par le gouvernement pour éviter l’engorgement des prisons, la population carcérale de Rebeuss connaît une hausse depuis trois mois. Lors d’une visite à la prison de Rebeuss au mois de Janvier dernier, la Directrice de l’établissement, faisant le point avec le ministre de la Justice, a laissé entendre qu’il y a 2.215 détenus dont 375 condamnés et 1.864 détenus provisoires. Elle a d’ailleurs soutenu que «depuis 3 mois le nombre de détenus a augmenté». Face à une telle montée des chiffres, la promiscuité dans les prisons sénégalaises est perçue une réalité qui favorise non seulement les agressions sexuelles, mais également les pratiques sexuelles de toutes sortes.
«Les gardes punissent les auteurs mais cela se répète »
« Les agressions sexuelles sont monnaie courante dans les prisons. Tout le monde le sait ». Ceci reste la phrase la mieux partagée entre les jeunes sénégalais qui ont fait la prison. La privation de liberté impose aux prisonniers des méthodes pour satisfaire leur libido. Les actes contre nature en font parti. N.G. un ancien détenu que nous avons rencontré nous explique la vie carcérale et les relations qui y cohabitent.
« On m’a dénoncé pour homosexualité. J’ai été arrêté et envoyé à Rebeuss. Je savais avant de mettre les pieds là-bas que dans les prisons il y a des relations sexuelles entre personnes de même sexe. Vu la promiscuité, cela tente certains à le faire. Et ils ne sont pas forcément des homosexuels. La pratique existe belle et bien au niveau des prisons. Des personnes sont souvent punies dans les maisons d’arrêt pour avoir entretenu des rapports sexuels. Malgré cela, la pratique se répète. Les gens le nient, mais dans toutes les prisons du monde cela existe. Et il y a un risque énorme cependant parce que les gardes ne vont jamais accepter de rendre disponibles les préservatifs, pour eux cela encourage les relations entre personnes de même sexe. Si le Sénégal adhère aux objectifs 90.90.90 dans la riposte contre le VIH, et s’investi pour l’élimination de cette pandémie, il est important que l’on prenne toutes ses mesures nécessaires. Dans ces lieux de détention il est important que les gens ne nient pas ce qui se passe et voit la vérité en face » dira t’il.
Pour un de ses camarades N.S, la question mérite d’être examinée par les autorités comme une question de santé publique. Certains prisonniers qui réintègrent la société à la fin de leur peine sont souvent porteurs de VIH. Des mesures urgentes doivent être prescrites pour encadrer la sexualité dans les prisons nous dit-il.
« J’ai été arrêté dans le cadre d’une manifestation à laquelle je prenais part en 2012. Une fois à Rebeuss j’ai compris que j’étais dans un milieu particulier. Les personnes plus fortes que moi ont essayé de s’attirer mes faveur mais j’ai refusé, je me suis même battu pour cela. Mais lorsque moi et mon adversaire avons fait face aux gardiens pour nous expliquer sur l’objet de notre dispute, les gardes ont fait fi de mes explications. Mais au moins en montrant mon caractère je n’ai plus été victime d’agression. Ce n’est pas tout le monde qui sait se défendre. Certaines personnes ont été agressées au vu et au su de tout le monde. C’est une question sur laquelle les autorités doivent se pencher. La réinsertion de ces personnes peut engendrer beaucoup d’effets négatifs »
« Les causeries sur le Sida nous aident beaucoup » garde pénitencier
Chez les gardes pénitentiaires, aborder la question de l’homosexualité en prison est douloureuse. Ce qui renseigne du degré d’intolérance qu’ils ont vis-à-vis de cette pratique.
« Nous recevons des plaintes pour actes contre nature, et après des enquêtes minutieuses nous procédons a des isolations dans des cages ou personnes ne peut faire pression sur la personne victime. Mais il arrive parfois que des personnes s’adonnent à des actes contre nature l’insu des gardes. Vous pouvez bien savoir que l’on ne peut tolérer cela, à cause d’abord de notre religion mais aussi de notre culture. Les prisons sont dotées de lieux de culte, la majorité de la population carcérale est musulmane est donc l’homosexualité prohibée. Les sanctions tombent immédiatement sur les fautifs. On cherche à avoir les raisons qui le poussent à agir ainsi. Bien sur ils gardent leur secret mais on les change de chambre et les surveille pour que ces actes ne se reproduisent plus » dira t’il.
Sur les risques de maladies que peuvent engendrées ces pratiques, notre interlocuteur esquive et nous renvoie aux médecins traitants et adoube la bonne vielle pratique des causeries en prison.
« Pour nous il est impossible de savoir qui souffre de quoi en raison du secret médical. Alors nous faisons des causeries éducatives avec les détenus sur les modes de préventions et traitement des infections sexuellement transmissibles. Cela marche assez bien puisque des détenus acceptent de se signaler pour se faire soigner ».
Ibrahima Sall, ASRED : « les plus menacés par les maladies sont les mineurs qui sont en prison »
L’Association pour le Soutien et Réinsertion la Réinsertion Sociale des Détenus (ASRED) est une association crée par d’anciens prisonniers et qui se battent pour la réinsertion des détenus. La situation actuelle des prisonniers reste une préoccupation pour cette association. Son Président, Ibrahima Sall, estime que les plus menacés par les maladies en prison restent les mineurs.
Quel rôle jouez-vous dans la vie des prisonniers ?
ASRED, est l’une des plus grandes associations qui soutiennent les détenus. J’ai une expérience parce que j’ai vécu en prison alors que j’avais été acquitté. On m’a laissé en détention 6 mois et 18 jours. Il existe des malheureux qui restent et ne bénéficient pas d’ordonnance de non lieu, ni d’indemnisation. On ne bénéficie pas de soutien du gouvernement et ce sont les détenus qui donnent eux-mêmes leur soutien à l’ASRED. Le droit à une seconde chance existe et doit être pris en compte. La personne commis une faute, mais il faut aussi favoriser sa réinsertion sociale. Le Sénégal est cité comme exception démocratique en Afrique mais détient le record de la surpopulation en milieu carcéral.
Mais qu’est-ce qui expliquent les relations homosexuelles entre prisonnier ?
Vous savez à Rebeuss il existe la chambre 9, qui est longue de 12 mètres sur 7. Cette chambre peut contenir jusqu’à 220 détenus. Rebeuss a un terrain de football, de basket et un espace pour les gardes. Comment 2.250 personnes peuvent tenir sur la surface restante ? Quand 5 prisonniers sont libérés le matin, 30 autres arrivent aussitôt sous mandat de dépôt. Les prisons ne répondent pas aux normes, tous les politiques pénitentiaires de l’état se tournent vers le Camp pénal de Liberté 6 et Rebeuss. L’ancien ministre de la justice Sidiki Kaba, lors de la grève de la faim, a été invité a visité la chambre 9, mais il a refusé. Les gens sont pris comme des animaux et cela explique la criminalité dans Dakar. Le taux de récidive et de 71 %.
Mais que faut-il faire?
L’Etat doit améliorer les conditions de vie de la population pénitentiaire. Dans les prisons on retrouve plus sortes de maladies : le Sida, l’asthme. Ce qui engendre des morts pour les prisonniers qui n’arrivent pas à survivre. Il faut connaitre la prison pour savoir réellement ce qui s’y passe.
La justice ce n’est pas seulement pour les magistrats ; nous devons avoir le courage de dénoncer les abus. Nous voulons que ceux qui nous lisent prennent des mesures idoines pour changer la donne dans les prisons. Chaque jour des détenus et leurs familles viennent se plaindre chez nous, pour qu’on les aide à leur réinsertion sociale.
L’univers carcéral c’est une zone de non-droit, et la promiscuité favorise beaucoup de vices. Les plus vulnérables dans cette situation sont les mineurs. A Rebeuss il a des mineurs, alors que Rebeuss n’a pas de statut pour contenir des mineurs. Ils doivent être au Fort B qui malheureusement est plein.
Nous ne sommes pas des ennemis pour l’administration sénégalaise mais les autorités ignorent les réalités des prisons.