Un an après le départ forcé d’IBK, les Maliens attendent toujours le changement
Ce 18 août 2021, au Mali, cela fait un an jour pour jour que le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a été contraint à la démission par un coup d’État militaire. Un putsch, sans effusion de sang, salué par la foule qui avait contesté pendant des mois la gestion d’IBK. Cette contestation avait été portée par la coalition d’hommes politiques de l’opposition, de la société civile et de religieux réunis au sein du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5- RFP).
La lutte contre la corruption, l’insécurité, le chômage, la réforme du système éducatif : un an après le départ d’IBK,le Mali est toujours dans l’attente d’un réel changement qui tarde à venir, selon Clément Dembélé, président de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage, une organisation de la société civile. « Nous attendons toujours les premiers signaux d’un changement réel, ça ne vient pas, regrette-t-il. Cette transition n’est pas encore capable de faire bouger les lignes, elle n’est pas capable de donner un signal fort de lutte contre la corruption, un signal fort contre l’insécurité, un signal fort contre le mauvais système éducatif, pour vous dire que la déception elle est profonde. »
Au lendemain du putsch, Assimi Goïta, un colonel de 37 ans, est proclamé chef de l’État par le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) composé de militaires. Après une concertation nationale qui a duré plusieurs jours et qui a abouti quelques mois plus tard à la formation d’un gouvernement de transition avec à sa tête Bah N’Daw, un militaire à la retraite et un Premier ministre civil, Moctar Ouane. Mais quelques mois plus tard, en mai dernier, ils sont tous les deux chassés à leur tour par les militaires, mécontents du nouveau gouvernement.
Non-renouvellement
Clément Dembélé, qui est aussi membre du comité stratégique M5-RFP, dénonce le non-renouvellement de la scène politique.« IBK n’est plus là, mais il faut savoir que ce n’est pas un changement de personne, ce n’est pas un changement d’homme, c’est un changement de système et le système est malheureusement là, le système continue à se nourrir du sang du peuple malien et ça peut donner un sentiment de déception, de désillusion, d’un rêve avorté », avant de poursuivre en s’emportant: « Les jeunes militaires, ces colonels, sont aussi pour la plupart pris en otage par de vieux conseillers qui leur conseillent ce qu’ils ont conseillé à IBK, à ATT, à Alpha Omar Konaré. C’est toujours ces mêmes qui conseillent dans une vieille école politicienne qui n’a plus raison d’être. »
Le Mali est plongé dans une crise sécuritaire, de gouvernance et économique qui n’en finit plus d’étouffer les populations qui espéraient un vent de renouveau après le coup d’État qui a mis fin au pouvoir d’IBK. Cela avait fait naître de l’espoir auprès des jeunes. Mais un an après, c’est le désenchantement. Beaucoup sont déçus et ne voient pas le changement tant attendu, explique Adam Dicko, directrice exécutive de l’Association des jeunes pour la citoyenneté active et la démocratie (AJCAD).
« Situation chaotique »
« Pour nous en tant que jeunes, la situation est chaotique, fustige-t-elle. La majeure partie de ces jeunes, de toutes les personnes qui sont sorties dans tout le pays pour demander le changement, pour demander le départ du président IBK parce que sa gestion était chaotique, aujourd’hui ces personnes sont déçues, c’est comme s’il y avait une certaine envie de dire : »on s’est trompés ». »Le Mali a été suspendu de plusieurs organisations, notamment de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) après le coup d’État du 18 mai 2020 et pour que le pays retrouve sa place au sein de cette institution régionale, l’une des conditions est le respect de la durée de la transition, ce qui signifie l’organisation des élections présidentielles et législatives en février 2022.
Au M5, qui partage désormais le pouvoir, certains préfèrent relativiser. Ainsi Mountaga Tall, membre du comité stratégique du M5-RFP et président du Conseil national d’initiative démocratique (CNID) Faso Yiriwaton, insiste sur la nécessité de se donner du temps.
RFI