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Des forces de la CEDEAO annoncées en Guinée Bissau : Umaro Sissoco Embalo face aux conséquences de ses décisions…

Mardi 01 février, Umaro Sissoco Embalo a échappé à un coup d’État. Le président de Guinée Bissau était en réunion de conseil de ministres au moment où des hommes en civil prennaient d’assaut le palais du gouvernement. Cinq heures durant, les armes se sont exprimées et onze personnes ont été tuées. Sorti indemne de cet échange de tirs à l’arme lourde, Umaro Sissoco Embalo a accusé les réseaux de trafic de drogue. Une enquête est en cours pour faire la lumière sur cette tentative de putsch qui a failli réconcilier la Guinée Bissau avec l’instabilité politique de ces dernières années. 

La CEDEAO ne s’est pas contentée de condamner l’attaque de mardi dernier. L’institution sous régionale dont l’instance suprême s’est réunie ce jeudi 3 février à Accra, a décidé d’envoyer une force pour soutenir la stabilisation du pays. On ne sait encore rien des contours de cette force. Le gouvernement bissau-guinéen n’a pas réagi. Un silence qui n’est pas contagieux puisque des voix locales commencent à se poser la question sur la pertinence de l’envoi de troupes étrangères pour assurer la « stabilisation du pays ». 
L’avis du parlement réclamé

Leader de l’Union pour le changement (UM), Agnelo Regala, cité par Dw, réclame une consultation de l’Assemblée nationale. L’opposant soupçonne le président Embalo de vouloir compter sur les forces de la CEDEAO pour réviser la Constitution à sa convenance pour se donner les pleins pouvoirs. 
Au cas échéant, ce ne serait pas une première dans le pays. De 2012 à 2020, des soldats ouest-africains ont maintenu le pays dans un climat de sécurité et de stabilité. 

De 2012 à 2020, les destructeurs mis au pas par la CEDEAO

Le 12 avril 2012, le Général Mamadu Ture Kuruma met un terme au processus électoral qui a suivi la mort du président Malam Bacai Sanhna qui avait lui-même remplacé Nino Vieira tué en 2009. En compétition avec Kumba Lala, Carlos Gomes Junior alors Premier ministre arrive en tête à l’issue du premier tour. Mais le second tour prévu au 29 avril n’aura jamais lieu. L’armée qui n’était pas d’accord avec les réformes la concernant menées par Carlos Gomes Junior prend le pouvoir et arrête ce dernier et le président par intérim, Raimundo Pereira. 

En réaction, la CEDAO décide d’envoyer des troupes pour stabiliser le pays. Des élections sont prévues en 2013 avant d’être finalement renvoyées en 2014. La présidentielle d’avril et de mai 2014 oppose cette fois-ci José Mario Vaz à Nuno Gomes Nabiam. Le premier l’emporte au second tour avec un score de 61,9%. L’ancien ministre des Finances sous Carlos Gomes Junior a certes réussi le pari d’arriver au terme de son mandat de cinq ans sans etre enlevé par des militaires.

En revanche, son magistère a été accompagné d’« incidents » politiques dûs aux malentendus internes au Parti africain pour l’Indépendance de la Guinée et du Cap Vert (PAIGC). Ces épisodes vont fragiliser cette formation politique avant de provoquer sa scission avec le départ d’importants membres qui vont créer le Mouvement pour l’Alternative démocratique (MADEM – G 15). 
Investi candidat dudit mouvement politique présidé par Braima Camara, Umaro Sissoco Embalo qui fut Premier ministre entre 2016 et 2018 suite aux accords de Conakry, se fait élire au deuxième tour en battant Domingos Simoes Pereira, candidat du PAIGC. Pendant la campagne électorale, Embalo a construit une partie de son discours sur le départ des forces de l’ECOMIB. Il ne comprenait pas « pourquoi certains pensent que les forces de la CEDEAO sont mieux placées pour sécuriser le pays que notre armée ». À l’en croire, l’armée bissau-guinéenne qui avait entre-temps assuré en avoir fini avec les coups d’État était en mesure de répondre à la mission qui est la sienne. Sa victoire entérinée par la Cour suprême en 2020, Umaro Sissoco Embalo diligente le retrait de l’ECOMIB. 
Embalo ne veut plus de la présence de l’ECOMIB

Selon un fin connaisseur de la Guinée Bissau, le président Embalo aurait agi sous la pression de son armée. On se souvient le 29 février 2020 de la photo de « famille » de l’homme au keffieh et des officiers de l’armée au palais présidentiel à l’occasion de l’installation de son Premier ministre, Nuno Gomes Nabiam. La même année, le 10 septembre, la mission des soldats de la CEDEAO connaît son épilogue. Les quelque 800 membres composés de sénégalais, de Nigérians, de Burkinabé et de togolais quitteront le pays de manière graduelle pour laisser les forces de défense et de sécurité bissau-guinéennes prendre le relais. Des observateurs avertis y décelaient un acte prématuré compte tenu du rôle de stabilisateur certain. 
Interviewé par RFI, Vincent Foucher qui a travaillé sur la Guinée Bissau se demande ce qui se serait passé si l’Ecomib n’était pas dans le pays pendant toutes ces années. Il ne nie pas cependant que « le président Umaro Sissoco Embalo et ses alliés ont quand même consolidé leur contrôle sur l’État ». Mais la question pour ce chercheur est de savoir si « ça va permettre d’assurer la stabilité politique et partant éviter l’insécurité ? » 

« Ce n’est pas certain » se montrait-il perplexe. Les événements du mardi 01 février 2022 lui ont donné raison. Le président Embalo lui-même n’a pas dissimulé sa surprise et croyait que la Guinée Bissau avait fermé le chapitre de ces travers. Peut-être réalisera-t-il son erreur d’appréciation sur la pertinence de la présence de forces ouest-africaines. Représenté par sa ministre des Affaires étrangères au sommet de la CEDEAO, sa réaction est en tout cas très attendue.