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Portrait – Maguette Ndiaye, Arbitre International : La promesse d’une passion précoce

Porte-étendard de l’arbitrage sénégalais lors de la dernière Can au Cameroun, Maguette Ndiaye s’impose lentement mais sûrement comme une figure incontournable de l’arbitrage africain. Précocement entré dans le milieu, il a pratiquement fait toutes les compétitions. Aujourd’hui, il veut concrétiser son rêve, celui de faire partie de ceux qui vont écrire les plus belles pages de l’arbitrage mondial.

Le 30 janvier dernier, sur la pelouse du stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé, tout le monde avait les yeux rivés sur l’arbitre sénégalais qui dirigeait la rencontre Égypte-Maroc (2-1, a.p) comptant pour les quarts de finale de la Can. Du haut de son 1m 90 et de ses 80 kg, Maguette Ndiaye, assisté de ses compatriotes Djibril Camara et El Hadj Malick Samba, a livré une solide performance malgré la forte pression. Cette rencontre intense, âpre et indécise jusqu’au bout, qui suscitait des craintes, il l’a parfaitement maîtrisée, même s’il a eu à distribuer six cartons jaunes, 4 pour l’Égypte et 2 pour le Maroc. De cette Can Cameroun 2021 qui vient de baisser ses rideaux, Maguette Ndiaye tire un bilan très satisfaisant. « Nous avons fait trois rencontres, toutes décisives. Dans ce genre de compétition, il n’y a pas de cadeaux. Si la Caf m’a confié ces missions, c’est parce qu’elle a confiance en nous. Nous magnifions aussi le soutien et les prières des Sénégalais. Sans cela, la tâche pourrait être difficile », avance Maguette Ndiaye. Il aurait pu rater ce rendez-vous si la Fifa avait validé la requête de l’Afrique du Sud. Mauvais perdants, les « Bafana Bafana », éliminés de la course au mondial 2022 par le Ghana, avaient pointé du doigt sa prestation. Ils n’avaient pas obtenu gain de cause. L’instance faîtière du football avait lavé à grande eau le directeur du jeu sénégalais. « Le chien aboie la caravane passe. J’ai vécu ce moment avec beaucoup de sérénité, car je savais très bien ce que j’avais sifflé et nul ne pouvait prouver le contraire », note Maguette Ndiaye.

L’ARBITRAGE DANS LA PEAU

Né à Bambey dans le département de Diourbel, Maguette Ndiaye a grandi à Pikine et y a passé toute son enfance. Dans le microcosme de l’arbitrage, il n’y est pas entré par effraction. C’est à force de voir son père à l’œuvre qu’il a fini par contracter le virus. Talentueux défenseur qui pouvait tout aussi jouer en attaque, il aurait pu faire carrière dans le football, mais il avait déjà choisi sa voie. Normal pour ce jeunot qui passait son temps au stade Alassane Djigo à regarder des matchs de « Navétanes ». Il s’entiche de ce métier à force de côtoyer les hommes en noir, si bien qu’en 1999-2000 il avait intégré le corps arbitral et se chargeait d’apporter les nattes de prières aux arbitres au Cem Fadilou Diop de Pikine. « L’arbitrage, c’est ma vie. J’y suis arrivé par passion. Le simple fait de porter le maillot d’arbitre et de siffler m’excitait », avoue Maguette Ndiaye, qui a fait ses débuts dans l’arbitrage alors qu’il n’avait que 14 ans. « Tout le monde se demandait ce que je faisais dans ce milieu au lieu de continuer ma carrière de footballeur, mais ma passion pour ce corps était trop forte », confesse-t-il. Son père, ancien arbitre connu pour sa détermination, son calme et son courage, a beaucoup influé sur son choix. Quoi de plus normal. « Si j’ai embrassé ce métier, c’est grâce à mon père. Au début, je lui en avais parlé, mais il ne me répondait pas. Le moment venu, c’est lui-même qui m’a appelé pour me dire qu’il voulait que je fasse de l’arbitrage. Évidemment, j’ai sauté de joie ». Le chemin est balisé par l’onction paternelle. Et c’était parti pour une riche carrière. Pour Maguette Ndiaye, « un bon arbitre doit être à la fois sérieux, honnête, courageux, psychologue, sociologue et surtout être très patient car chaque chose viendra à son heure ».

COUP DE POUCE DU DESTIN

C’est en 2003 que Maguette Ndiaye obtient son grade d’arbitre de district et celui de ligue en 2006 et de fédéral en 2008. Les débuts étaient difficiles parce que beaucoup de choses manquaient au jeune Maguette Ndiaye. Son jeune âge constituait un handicap pour lui. Mais son endurance et sa persévérance l’ont mené vers les sommets de l’arbitrage sénégalais. « Quand j’ai intégré le corps, je suis resté trois ans à ne faire que des matchs d’Uassu et des écoles de football. En 2003, j’ai commencé à arbitrer les matchs « Navétanes » cadets entre Malika, Keur Massar, Yeumbeul, Thiaroye, Guédiawaye et Pikine », renseigne-t-il. « À 20 ans, on m’a proposé d’intégrer la liste des internationaux. De 2007 à 2010, j’ai réussi tous les tests, mais un problème d’âge se posait. Parce que pour être international assistant, l’âge requis était 23 ans et 25 ans pour arbitre de centre ». Le jeune arbitre va prendre son mal en patience. Il est resté trois années dans l’antichambre avant de voir son rêve se réaliser. Un malheureux concours de circonstance va le propulser dans le cercle des arbitres internationaux. En 2010, l’arbitre Abdou Karim Guèye, fils d’Amadou François Guèye, décède à la dernière série de 150 mètres. Il fallait bien le remplacer. « C’est ainsi que le président Badara Mamaya Sène m’a appelé pour me dire qu’il y avait une place libre et comme j’étais formé comme arbitre central et assistant. Il m’avait demandé d’accepter le poste. J’ai donc intégré les internationaux en 2011 et comme Dieu fait bien les choses, le président Mamaya a réussi, deux ans plus tard, à convaincre ses collègues de la Caf et de la Fifa de me ramener au centre parce qu’il avait espoir en moi pour la relève ». Depuis 2013, les compétitions s’enchaînent avec pas moins d’une dizaine dans les jambes. « Avec l’aide de Dieu, j’ai pu atteindre beaucoup de mes objectifs et le travail continue », se félicite-t-il.

Son ami d’enfance Amadou Sall le présente comme un homme humble, modeste et honnête, qui aide son prochain dans la discrétion la plus absolue. Un bon caractère. Pour celui qui le considère comme son « jumeau », il est « une fierté », « un enfant béni ». À en croire Amadou Sall à qui il colle le surnom de « Mame Mory Biram Fatma », Maguette Ndiaye est de loin différent de ces gens à qui la réussite fait tourner la tête. « Il y a des gens qui, une fois que la réussite tape à leur porte, deviennent d’autres personnes, abandonnent leurs familles, leurs amis, arborent de nouvelles habitudes. Maguette Ndiaye est resté le même. Il n’a jamais changé. C’est un vrai leader et c’est une chance de le côtoyer », indique-t-il.

DANS LA COUR DES GRANDS

L’arbitre assistant Djibril Camara fait partie de ceux qui connaissent bien Maguette Ndiaye pour l’avoir côtoyé pendant plusieurs années. « Je connais bien Maguette Ndiaye. Je sais même traduire sa respiration. Nous avons commencé à officier ensemble quand nous étions des arbitres de district. Avec feu Abdou Karim Guèye, nous constituions un bon trio formé par le défunt Président Amadou François Guèye ». Il n’a été guère surpris de devenir aujourd’hui son assistant. La force de Maguette Ndiaye, dit-il, c’est son mental. « Il est fort physiquement ; ce qui constitue un atout capital dans le sport de haut niveau. Il a une forte personnalité. Son engagement n’a pas de limite et il n’abandonne pas », fait-il savoir.

Intégrer l’élite Fifa-Caf a toujours fait partie des ambitions de Maguette Ndiaye, d’être parmi la crème de la crème, de s’y maintenir le plus longtemps possible et de faire toutes les compétitions de la Fifa. Mis sur la sellette, il a non seulement retrouvé sa place au centre, mais a intégré les jeunes talents de Caf en 2011. En 2013, il fait la Can U20 en Algérie puis, l’année suivante, la Can U17 au Maroc. En 2014, il est sélectionné pour les Jeux olympiques de la jeunesse en Chine. Tour à tour, il officié à la Can 2015 en Guinée équatoriale, au tournoi de l’Uemoa en 2016 et, un an plus tard, à la Can U20 en Zambie et à la Can U17 au Gabon. En 2018, il prend part au Chan organisé par le Maroc. En 2019, il prend part à la Can en Égypte, en 2020 à la Coupe du monde U20 en Pologne et à la Coupe du monde des clubs au Qatar la même année. En 2021, il est sélectionné pour la Gold Cup aux États-Unis et en 2022 pour la Can au Cameroun. Maguette Ndiaye est également le premier africain à officier dans un championnat professionnel étranger, en l’occurrence le Maroc, lors d’un match opposant Oujda et RS Berkane. Persévérance, courage, sens de l’effort et ambition lui ont permis de gravir les différents échelons jusqu’à devenir le numéro un de l’arbitrage sénégalais depuis la retraite de Malang Diédhiou en 2018. Son nouveau standing, Maguette Ndiaye le prend avec beaucoup d’humilité et de sérénité parce que conscient que les attentes sont nombreuses. Il ne se casse donc pas la tête. « Le plus important, c’est de faire ce que j’ai à faire de la meilleure des manières et le reste viendra naturellement. J’ai été formé à bonne école et j’ai aussi beaucoup appris de Malang Diédhiou. Il est une bonne référence sur tous les plans », assure Maguette Ndiaye, qui compte relever tous les défis pour rester le plus longtemps possible au sommet.

QATAR 2022, UN RÊVE

Un jeune footballeur rêve de disputer la Coupe du Monde. Un arbitre aussi rêve d’être à ce grand rendez-vous. C’est un aboutissement. Maguette Ndiaye, qui figure parmi les six officiels africains présélectionnés pour Qatar 2022, pourrait, lui aussi, vivre ce rêve. Ses prestations très convaincantes ont convaincu les instances internationales ; ce qui lui a valu en août dernier sa présélection. « C’est un honneur d’être parmi les sifflets africains qui ont retenu l’attention de la commission des arbitres de la Fifa. Cette présélection est une preuve que l’arbitrage sénégalais se porte bien », se réjouit-il. Une motivation supplémentaire pour l’international sénégalais qui dit beaucoup travailler pour se maintenir dans l’élite. S’il n’a jamais arbitré jusqu’ici lors d’une Coupe du monde, Maguette Ndiaye a capitalisé une grosse expérience. Cette présélection est la récompense d’une carrière exceptionnelle, mais aussi le fruit d’un état d’esprit alliant la soif de progresser à l’humilité. Son ami Amadou Sall n’est pas surpris de son ascension. « Il a commencé l’arbitrage dès le bas âge. C’est un homme très engagé, qui a toujours aimé ce qu’il faisait. L’arbitrage est une passion pour lui et je savais qu’il allait percer parce qu’il le prenait très au sérieux. L’exigence de la performance l’a poussé à maintenir le cap et il continue d’exercer avec professionnalisme. C’est un héros et les populations de Kounoune, son quartier, ont prévu de l’honorer après sa prestation à la Can », indique-t-il.

Maguette Ndiaye, par ailleurs président de l’Amicale des arbitres de football du Sénégal (Aafs), se dit satisfait du parcours réalisé, même s’il estime qu’à 35 ans, sa carrière n’a pas encore démarré. « Je me considère comme un débutant et je mettrai tout ce qu’il faut pour atteindre mes objectifs », note-t-il. Son rêve le plus cher est de « faire partie de ceux qui vont écrire les plus belles pages de l’arbitrage mondial ». Aujourd’hui, plusieurs souvenirs bouillonnent dans sa mémoire. Sa présélection en 2014 pour la Coupe du monde Russie 2018 l’a beaucoup marquée. Le soutien des Sénégalais lors de la Can Cameroun 2021 qui vient de s’achever aussi. D’ailleurs, fait savoir Amadou Sall, les arbitres sont des internationaux qui ont porté haut le drapeau du pays, et à son avis, « l’État devait aussi les honorer parce qu’ils ont dignement représenté le Sénégal au Cameroun ».