RELIGION : Vie et Œuvres des Khalifes de Serigne Touba
Bien qu’étant tous des fils de Cheikh Ahmadou Bamba, chacun d’eux a troqué le lien de sang contre un lien d’allégeance, se réclamant tous ses fervents disciples et ses serviteurs infatigables.
Magistères suprêmes du mouridisme, ils sont les garants de l’héritage légué par Cheikh Ahmadou Bamba : guider la communauté musulmane dans la bonne voie. Ainsi, à l’occasion du Grand Magal, la rédaction de Xalima, a voulu vous rappelez, la vie et l’œuvres de chacun de ses nobles khalifes de Serigne Touba.
Rappel Historique sur le Grand Magal de Touba
Le samedi 18 Safar 1313, (le 10 août 1895) à 14h, Le Cheikh Ahmadou Bamba est arrêté à Djéwal (actuelle région de Louga) par un détachement des autorités coloniales françaises. Il est exilé après un procès inéquitable, tenu dans la salle de délibération du Conseil Privé, sis dans la Gouvernance de Saint-Louis le 05 septembre. A l’issue de ce jugement sans appel, le Conseil Privé décida « à l’unanimité, après avoir entendu les rapports de M. MERLIN et LECLERC, et fait comparaître Ahmadou Bamba, qu’il y avait lieu de l’exiler au Gabon ». A quelle fin ? « Jusqu’à ce que » disait-il « l’agitation causée par ses enseignements soit oubliée au Sénégal ».
L’exil au Gabon durera SEPT longues années.
C’est cette date du 18 Safar que Khadimou Rassol a choisie comme jour d’actions de grâce et de fête.
Rares, sont ceux qui ont choisi le jour où toutes leurs épreuves et privations ont commencé pour célébrer une fête et remercier le TOUT PUISSANT.
Selon Cheikh Abdoul Ahad Mbacke (3è Khalif des Mourides), c’est en 1921 à Diourbel que le Cheikh lança son célèbre appel:
« Quant au Bienfait que DIEU m’a accordé, ma seule et souveraine Gratitude ne le couvre plus, par conséquent j’invite toute personne qui se réjouit de mon bonheur personnel, à s’unir à moi dans la reconnaissance éternelle à DIEU, chaque fois que l’anniversaire de ce jour la trouve sur terre ».
En 1980, Cheikh Abdoul Ahad dans son appel pour le Grand Magal, cite les écrits du Cheikh pour étaler l’étendue des bienfaits reçus de Dieu :
« DIEU m’a accordé des dons prodigieux qu’il n’a jamais accordés et qu’il n’accordera jamais à un contingent. »
« Je ne doute guère de ma qualité de voisin intime du CREATEUR DE L’UNIVERS ; quel magnifique état ! »
« Les faveurs extraordinaires, innombrables que j’ai obtenues de DIEU ne se comptent plus dans l’univers et c’est cela, mon bonheur. »
Chacun selon ses moyens (de la poule au chameau) est invité à célébrer ce jour 18 Safar chaque fois qu’il en a l’occasion. C’est une forte recommandation de Cheikh Ahmadou Bamba que tous les Khalifs rappellent à la veille du Magal.
Sur la signification du mot « Magal », Cheikh Saliou Mbacké 5ème khalif de Sérigne Touba, à l’occasion de son appel du 25 août 1990, nous édifie clairement. Il affirme en substance Que la Fête du sacrifice étant une Tradition Prophétique, l’appellation « deuxième fête du sacrifice » que les talibés avaient adopté ressemblerait donc à une innovation blâmable (« Bidaa »). C’est pourquoi le Cheikh recommanda de l’appeler « MAGAL » (MAGAL : Terme Wolof qui signifie ici célébrer, évidemment dans l’exaltation de la Grandeur du SEIGNEUR et l’Election du Prophète. C’est autrement dit glorifier le SEIGNEUR et Son PROPHETE) ; Donc que personne ne l’appelle plus « deuxième Fête du Sacrifice » mais « Magal » C’est le Cheikh qui est le premier à prononcer ce mot que nous nous employons tous aujourd’hui.
Le Magal était célébré individuellement par chaque talibé chez lui comme la Tabaski. Cela a été ainsi du temps du Cheikh et pendant le règne du premier Khalife Cheikh Mouhamadou Moustapha (1927 – 1945). On peut penser que le premier Khalife n’a pas appelé à la célébration du Magal à Touba, peut être uniquement parce que la majeure partie de son Khilafat a coïncidé avec la crise des années trente ainsi que la seconde guerre mondiale; Il était en outre préoccupé, par le plus important projet mouride : la grande Mosquée de Touba, qui nécessitait le prolongement du chemin de fer de Diourbel à Touba. Serigne Mouhamadou Moustapha réalisa le tronçon Diourbel- Touba sur fonds propres et facilita le transport des matériaux de construction.
Il choisit le 20 du mois lunaire mouharram qui marque le retour à Dieu du Cheikh pour le grand rassemblement annuel des mourides.
C’est le deuxième khalife des mourides Cheikh Mouhamadoul Fadel Mbacke qui appela tous les fidèles mourides à venir à Touba pour célébrer le Grand Magal en 1948. Le Grand rassemblement à Touba a permis au deuxième Khalife de profiter de ce jour d’actions de grâce pour mobiliser et motiver annuellement les talibés pour l’achèvement du Grand Projet de la communauté, la Grande Mosquée de Touba. Le khalife célébra avec faste la prière d’inauguration de la Mosquée en 1963.
Cheikh Mouhammadou Moustapha MBACKE 1927-1945
Tous ces espoirs devaient par la suite s’écrouler lamentablement car Cheikh Ahmadou BAMBA allait laisser une descendance de Vaillants Paladins de l’Islam qui se sont tous illustrés dans la défense et la propagation de l’œuvre du fondateur du Mouridisme.
Le premier d’entre eux, Cheikh Mouhammadou Moustapha MBACKE se distingue par un courage incommensurable, une intelligence hors du commun, d’immenses qualités de rassembleur, d’organisateur, de bâtisseur, toutes choses qui ont trouvé la pleine mesure de leur expression dans le contexte particulièrement dur de l’époque coloniale, dans l’une de ses périodes les plus tragiques : l’entre deux guerres.
Ce preux Chevalier de l’Islam qui allait reprendre et porter haut le flambeau allumé par son illustre Père, a vu le jour en 1888 à Darou Salam, d’une mère elle-même issue d’une grande famille d’érudits, Sokhna Aminata LÔ. C’est d’ailleurs son oncle maternel, Serigne Ndame Abdou Rahmane LÔ, grand compagnon de son Père, qui allait se charger de son initiation au Coran, tandis que Mame Thierno Birahim MBACKE, frère cadet du Cheikh, allait assurer à son tour sa formation dans les questions théologiques. Par la suite, son père, le Cheikh en personne, se chargera de guider ses pas dans les arcanes de la formation mystique. Jamais étudiant ne fut aussi doué. Il excellera à un point tel que son père le désignera comme successeur avec pour mission, le raffermissement de la cohésion de la Communauté Mouride dans le but de la faire prospérer, mais surtout l’édification de la Grande Mosquée, pour la seule gloire de Dieu. Il n’est peut-être pas superflu de dire que les contemporains ont rapporté que son Père lui témoignait une réelle affection car on avait le sentiment qu’il savait qu’il avait bien investi sa confiance.
La première occasion que Cheikh Mouhammadou Moustapha MBACKE eut de montrer qu’il était à la hauteur des espérances de son Père, ce fut en 1927, lorsque le Cheikh disparut. La rapidité et la pertinence de sa réaction, le sang-froid, la discrétion et le courage avec lesquels il fit transférer l’illustre corps à Touba, dans le contexte très coercitif de la période coloniale forcent encore, de nos jours, l’admiration, quand on sait qu’il n’était pas facile à l’époque de braver le Pouvoir Blanc (il a donné une sépulture à son père sans informer l’Administration, en se passant surtout de son autorisation) et d’encourir les foudres de son courroux. Au mépris des risques patents, il a exécuté les dernières volontés de son père : lui assurer une sépulture en tout conforme à ses vœux, selon la procédure qu’il avait lui-même indiquée, surtout en s’assurant que son corps ne soit point souillé, ne serait- ce que par le simple regard d’un membre de l’administration coloniale.
Une autre manifestation de sa pleine capacité à jouer le rôle que son père lui a dévolu a été la manière dont il a mis-fin aux velléités de dissidence de certains Grands Cheikhs après la disparition du Fondateur. Par son aura personnelle, et ses qualités de grand rassembleur, il a réussi à rallier autour de sa personne tous les dignitaires et les talibés. Pour assurer la cohésion et la force de la Communauté, il a, avec intelligence, choisi la voie du dialogue et de la concertation.
D’abord avec ses frères et sœurs : bien qu’il fût l’aîné et le légataire de Serigne TOUBA, donc le seul maître, autorisé à décider souverainement avec l’assurance d’obtenir l’obéissance stricte de ses cadets qui voyaient en lui leur vénéré Père, il a préféré, en toute chose, les consulter pour tenir compte, très étroitement, de leurs avis. D’ailleurs, il est de notoriété publique qu’il vénérait ses frères et sœurs qu’au demeurant il chérissait, car lui aussi voyait en chacun d’entre eux son illustre Père. Sur cette question de ses rapports avec ses cadets, le témoignage de Sokhna Maïmouna MBACKE la benjamine du Cheikh est particulièrement édifiant. En effet elle aimait souvent raconter que, toute jeune, encore du vivant de leur vénéré père, à un âge où elle n’avait pas encore une conscience claire de son lien de parenté avec Cheikh Mouhammadou Moustapha, son attention avait été attirée par l’empressement de ce jeune homme à aller au-devant de ses moindres désirs, à elle et aux autres enfants du Cheikh.
Elle avait remarqué chez lui un zèle et un dévouement qui allait même, souvent, jusqu’à leur offrir son vêtement pour s’essuyer les mains après les repas. Elle avait fini alors par dire à ses frères : » Qu’il est bon, ce talibé de notre père ! »
Ensuite avec les Cheikhs et autres Dignitaires du Mouridisme : à l’exemple de son Père, il a témoigné une grande considération, un grand respect aux Cheikhs et à tous les Dignitaires. Il n’a jamais manqué de prendre leurs conseils chaque fois qu’il s’est agi des grandes questions intéressant le devenir de la Communauté. Il leur a conféré certaines prérogatives destinées à accroître et à fortifier cette Communauté. A l’instar de son Père, il a créé pour eux des Daaras, véritables pôles de développement où, en dehors de l’enseignement du Coran et de la liturgie, le travail productif est érigé au rang de véritable sacerdoce. C’est ainsi que, pour doter les Cheikhs, il eut à fonder de nombreux villages dont on peut, pour mémoire, citer quelques- uns des plus connus : Tindody, Taïf , Naïdé, Darou Naïm, Kaél, Bayla. Il est peut-être utile de rappeler que Taïf et Bayla ont la particularité que leur production était exclusivement consacrée au financement des grands chantiers que sont la Grande Mosquée et le rail Diourbel – Touba. A ce titre, ces daaras préfigurent le Khelcome de Serigne Saliou qui n’a pour objectif, en ce qui concerne les revenus qu’il génère, que le financement des travaux de Serigne Touba.
Enfin avec le reste de la Uma : toute sa vie durant, il s’est évertué à tisser des liens étroits de fraternité et de collaboration avec les autres chefs religieux, non seulement du Sénégal mais aussi des pays limitrophes comme la Mauritanie. Il est connu que Seydou Nourou TALL, représentant de la famille omarienne lui rendait souvent visite et qu’il eut à recevoir à Touba le Roi du TRARZA venu de sa Mauritanie natale pour rendre visite à son frère en Islam.
Même avec l’Administration Coloniale, il a réussi à établir de bons rapports à un point tel, que le Gouverneur Général de L’A.O.F en personne a été son hôte à TOUBA, trois jours durant.
La plus grande réussite à mettre à l’actif de Cheikh Mouhammadou Moustapha est, sans conteste, la construction de la Grande Mosquée de TOUBA.
C’était un projet tellement cher à Cheikh Ahmadou BAMBA qu’il en dira lui-même, bien avant sa construction, « L’Eternel m’a honoré pour l’éternité d’un édifice indestructible qui se dressera jusqu’au Paradis. »
A l’endroit de ceux qui, de près ou de loin ont eu le bonheur de collaborer ou de participer à l’érection de l’ouvrage, le Cheikh a formulé les prières suivantes :
» Absous les volontaires qui ont bâti l’édifice si élevé de ma demeure, la Cité Bénite de TOUBA, de leurs pêchés du passé et de l’avenir ; absous tous ceux qui avaient la charge de l’ordonnancement des travaux de l’édifice de leurs pêchés initiaux et finaux. »
» Absous également tous ceux qui leur sont venus en aide dans cet édifice qui, par Ta Gloire s’est érigé – Ô ! Combien Majestueux – de leurs pêchés d’avant et d’après. »
Il convient de rappeler que Cheikhoul Khadim n’avait assigné aux hommes la mission de construire la Mosquée que dans la noble intention de leur ouvrir les voies de la Rédemption. Cette Mosquée est un dessein de Dieu et le Cheikh, dans son exhortation aux talibés à s’impliquer dans sa construction, n’a pas manqué de prévenir :
» Si vous l’entreprenez, Dieu en sera pour autant glorifié mais en cas de renonciation, Dieu enverrait des êtres pour s’en acquitter. »
Le moment venu, Cheikh Mouhammadou Moustapha entreprit de s’atteler à la réalisation du vœu de son Père. Alors, devant lui, se dressèrent nombres d’obstacles et d’embûches tous plus ardus les uns que les autres. Mais, courageusement, opiniâtrement, avec détermination, il a réussi à les abattre les uns après les autres.
Lorsque, le vendredi 17 dhul – qi da 1530 H (4 Mars1932), il procédait à la pose de la première pierre de l’édifice en présence des Dignitaires du Mouridisme et d’une foule de Talibés enthousiastes, que d’obstacles il avait du abattre pour en arriver à ce jour et à ses fastes.
Il a du batailler ferme pour obtenir l’immatriculation du terrain devant porter l’ouvrage et l’autorisation de construire.
Ensuite l’Autorité Coloniale lui a imposé une condition qui, dans sa logique devait signifier le coup d’arrêt mettant définitivement fin au projet. Il ne s’agissait, ni plus ni moins, que de poser 50 km de chemin de fer, de Diourbel à Touba pour acheminer le matériel lourd nécessaire à l’entreprise. Dans les normes, seuls un gouvernement ou une société puissante pouvaient relever un pareil défi. C’était compter sans la détermination de Cheikh Mouhammadou Moustapha : dans un délai de loin inférieur à celui imparti par le Pouvoir Colonial et avec les seules ressources (humaines et financières) de la Communauté Mouride, l’ouvrage fut réalisé.
Enfin, il a eu à déjouer les manœuvres frauduleuses d’un certain Pierre TAIILERIE, Administrateur Colonial ayant revêtu le manteau d’entrepreneur pour se faire adjuger le contrat de construction de la Grande Mosquée. Très vite, il est apparu qu’on avait affaire avec un escroc qui croyait pouvoir s’enrichir sans risque en misant sur l’ignorance du droit de ses victimes et surtout sur la peur qu’elle devrait normalement avoir de traîner un blanc devant les juridictions, aussi bien coloniales que métropolitaines.
Par sa détermination Cheikh Mouhammadou Moustapha obtint la condamnation de TAIILERIE. Les travaux de la Grande Mosquée reprirent de plus belle et les Talibés continuèrent de rivaliser d’ardeur et de sacrifice pour la réussite de l’entreprise.
Le Vendredi 7 Juin 1963, jour de l’inauguration de la Grande Mosquée par Cheikh Mouhammadou Falilou le digne successeur de Cheikh Mouhammadou Moustapha, tous les cœurs, à l’unanimité, se sont souvenus, avec émotion, du premier Khalife de Khadimou Rassoul, disparu le 13 Juillet 1945, alors que l’édifice avait déjà pris forme : les fondations en étaient achevées et les murs avaient atteint la hauteur d’une terrasse. L’image d’un travailleur infatigable, d’un érudit possédant à la perfection les Sciences Coraniques et la langue arabe planait sur l’assistance.
L’on gardait encore en mémoire la célébration du Premier Magal après Serigne Touba dès 1928 (dans le sillage du Fondateur qui l’organisait lui-même), point de départ d’une tradition solidement établie de nos jours et qui est devenu l’un des événements les plus importants du monde musulman.
Où qu’on puisse poser le regard, aussi loin que porte la vue, tout évoque la puissante stature de Cheikh Mouhammadou Moustapha : c’est lui qui a fait de TOUBA la métropole religieuse, la ville sainte, la capitale du Mouridisme qu’elle est devenue et qui lui doit son premier forage qu’il fit installer à NDAME. C’est lui qui a créé chez les Mourides ce goût prononcé du travail, cette détermination à vivre honnêtement du fruit de son labeur et cette volonté de vivre en parfaite conformité avec les enseignements du Cheikh. Ce n’est pas hasard si, sous son impulsion, le Baol est devenu le principal producteur d’arachide. Lui-même a eu à être décoré de la Médaille du Mérite Agricole.
Malgré la Crise des années 1930 et les effets négatifs de la Seconde Guerre Mondiale sur l’économie en général, le terroir mouride est demeuré riche, prospère, irrémédiablement inscrit dans une logique de travail, de discipline et de ferveur religieuse, grâce à l’enseignement de Serigne Touba relayé par Cheikh Mouhammadou Moustapha. On se souvient que c’est lui que le Cheikh avait désigné pour remettre à l’Administration Coloniale la somme de 500 000 francs dans le but d’aider à relever la monnaie française menacée d’effondrement. Quel bel exemple de sagesse, de dépassement et de générosité à l’endroit d’un système qui pourtant, à l’égal d’un ennemi déterminé, s’est toujours évertué à nuire ou à porter préjudice à la Communauté et à son Guide.
L’on ne peut regarder le rail à Touba, l’on ne peut se recueillir dans la Sainte Mosquée, l’on ne peut traverser Darou Khoudosse le cœur de Touba sans évoquer cette grande figure de l’Islam Universel dont les jeunes générations ne connaissent à travers les photographies, qu’un visage empreint de bonté et de sérénité et tout baigné de la lumière de Serigne Touba à la tête enveloppé d’un turban, toutes choses qui corroborent les témoignages de ses contemporains le décrivant comme un travailleur infatigable, résolument détourné des mondanités, uniquement préoccupé des préceptes de l’Islam et entièrement dévoué à la mémoire de son Père. Il pilotait personnellement les travaux de la Grande Mosquée et n’hésitait pas, à l’occasion, à mettre la main à la pâte.
C’est cet homme réputé pour son équité, son sens de l’humain et qui ne faisait pas de différence entre le puissant et le pauvre que les talibés évoquent encore aujourd’hui en le désignant affectueusement et nostalgiquement sous les surnoms de Amdy ou de Ndiagne pour faire allusion à son abondante chevelure.
Nul doute que son œuvre est agréée et que son Père est satisfait de lui, tout autant que sa sainte descendance et ses vaillants frères qui, après lui, sur son exemple, ont porté haut le flambeau transmis par le FONDATEU
Cheikh Mouhamad Fadilou MBACKE (1945-1968)
Tout en cet homme exceptionnel que nous appelons affectueusement et respectueusement Cheikh Fallou ou El Hadji Fallou, porte les stigmates d’une sainteté incontestable.
D’abord sa naissance qui eut lieu en 1888 à Darou Salam. En effet Serigne Fallou vit le jour exactement la vingt septième nuit du mois lunaire de Rajab. (ndeyi koor dans le calendrier local), C’est la date anniversaire du voyage nocturne du Prophète (en compagnie de l’Ange Gabriel) dont il ramena le rituel des cinq prières, si fondamental en Islam. Le Magal du Kazu Rajab qui marque son anniversaire est un événement très connu, où se pressent des centaines de milliers de talibés fervents.
Ensuite la réaction du Cheikh quand il fut informé de cette naissance. Il aurait alors vivement exprimé sa gratitude à Dieu en concluant que si ce nouveau n’était pas apparu dans sa famille, il se serait mis à sa recherche pour aller le retrouver, où qu’il puisse être.
Enfin le pèlerinage qu’il accomplit à La Mecque. Les circonstances de ce séjour en terre arabe furent telles qu’il eut beaucoup de peine à rentrer à TOUBA : les gens de La Mecque ne voulaient plus s’en séparer, ayant découvert en lui une érudition et une sainteté exceptionnelles.
Déjà, tout enfant, Serigne Fallou avait commencé à se signaler comme un être d’exception. Sa mère Soxna Awa BOUSSO appartient à une famille d’érudits qui a donné plusieurs imams à TOUBA.
C’est avec une aisance surprenante que dès l’âge de huit ans, il se mit à l’apprentissage du Coran, sous la férule de Serigne Ndame Abdourahmane LO au daara dénommé Aalimun Xabiir, à environ cinq kilomètres de Touba. Son oncle paternel Serigne Mame Mor Diarra lui servit de professeur dans l’étude de la Théologie. Sa formation dans les Sciences Religieuses fut complétée par le Cheikh lui-même, à son retour d’exil. Précisons qu’une bonne partie de cette formation eut lieu en Mauritanie, à Saout El Maa (Khomack), où le Cheikh avait été déporté et où le rejoignit Serigne Fallou en compagnie de Serigne Mouhammadou Moustapha MBACKE et de Serigne Mor Rokhaya BOUSSO.
<media465|insert|left> Aujourd’hui encore la vaste érudition de Serigne Fallou en arabe est évoquée avec admiration, de même que ses talents de poète et de calligraphe hors pair. Il est crédité d’une quarantaine de copies du texte sacré, dont vingt-huit ont été directement offertes au Cheikh sous forme de don pieux (adiya). D’ailleurs c’est avec la même émotion qu’on évoque encore sa grande maîtrise de ce texte à la lecture duquel il consacrait le plus clair de son temps. Cela n’est pas surprenant quand on sait qu’il a appris à maîtriser l’art du Tajwid auprès de Serigne Mame Mor Diarra, d’abord et de Serigne Mame Thierno Birahim MBACKE un autre frère de son père, ensuite.
Un autre fait marquant de sa personnalité est son incommensurable dévotion, sa soumission inconditionnelle au Cheikh qu’il était loin de considérer comme un père mais plutôt comme son guide spirituel, son Maître. Pour comprendre cet attachement, cette soumission quasi indescriptible, rappelons un événement qui eut lieu à Khomack. Un matin, le Cheikh tint à son auditoire un discours qui peut se résumer ainsi : » Je ne suis ni le père, ni le frère, ni l’oncle d’aucun d’entre vous. Je suis une créature vouée au service exclusif de Dieu. Ceux d’entre vous qui auront choisi de m’accompagner sur ce chemin que j’ai réhabilité, ceux-là sont mes fils, neveux, frères et talibés. » Serigne Fallou et ses frères firent aussitôt acte d’allégeance et, les quatre ans que dura le séjour mauritanien, ils redoublèrent d’ardeur dans leur apprentissage religieux, selon les règles établies par le Cheikh. Cet événement fut la source d’un poème que Serigne Fallou dédia à son Maître et dans lequel on peut notamment lire : »Notre espoir est en Toi, Toi qui nous as ouvert les portes de la félicité. Je Te vends mon rang de fils pour acquérir la gloire d’être Ton talibé. Et quand Tu m’auras donné cette gloire, je Te demanderais de bien vouloir l’accepter comme don pieux. »
Lorsque le Cheikh exprima sa volonté d’ériger la Grande Mosquée, Serigne Fallou s’engagea corps et âme dans l’entreprise : les vœux, même les plus anodins du Cheikh, sont pour lui des ordres péremptoires. Ainsi, en 1926, alors que le Cheikh mobilisait les forces de sa communauté pour la réalisation de son projet, Serigne Fallou eut le bonheur, après de longues recherches, de découvrir la carrière de NDOCK, susceptible de fournir les matériaux pour la construction de l’édifice. Les échantillons qu’il envoya à TOUBA rencontrèrent l’agrément du Maître qui, à cette occasion l’exhorta à considérer, au même titre que son frère aîné Serigne Mamadou Moustapha, la construction de la Mosquée comme une mission incompressible. Lorsqu’en 1927 le Cheikh disparut, Serigne Fallou, en bon talibé reporta sur son frère aîné devenu premier khalife, toute sa dévotion et son affection. Autant il était attentif au moindre désir du Maître, autant il se mit au Service de Serigne Mouhammadou Moustapha, dans lequel il retrouvait leur père, au demeurant.
C’est d’ailleurs sur le » ndigal » de Serigne Mouhammadou Moustapha, qu’il accomplit son fameux pèlerinage à La Mecque. C’était pour concrétiser un projet de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet, le Cheikh avait un jour exprimé sa volonté de se rendre aux Lieux Saints. Il avait même désigné les compagnons avec lesquels il souhaitait faire ce pèlerinage. Ces bienheureux étaient Mame Cheikh Anta, Serigne Mbacké Bousso, El Hadji Mayoro Fall et Serigne Moulaye Bou (un maure). Dieu en décida autrement et le Cheikh rejoignit le Paradis avant d’avoir eu le temps de mettre son projet à exécution. Alors, en 1928, Serigne Mouhammadou Moustapha chargea Serigne Fallou de concrétiser le vœu de leur père, et avec les mêmes compagnons qu’il avait prévus. Les péripéties de ce voyage furent tellement riches en événements, quasi miraculeux, que la communauté mouride n’est pas loin de croire que Serigne Fallou est en réalité une réincarnation de Serigne Touba.
En 1945, Serigne Fallou, devenu second khalife, se plongea corps et âme dans la poursuite des travaux de la Grande Mosquée. Il eut l’insigne bonheur, le 7 Juin 1963, d’en procéder à l’inauguration et d’y diriger la première prière. Son khalifat est encore évoqué de nos jours comme une période particulièrement faste pour le pays. Tous les Sénégalais, toutes confessions et toutes ethnies confondues, le considèrent comme un vrai thaumaturge, un homme qui a reçu du Créateur le pouvoir de faire des miracles.
Les vieux se rappellent que son avènement a coïncidé avec l’éradication de l’épidémie de peste qui a décimé le pays vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale. La famine qui menaçait la population a alors pris fin et cela a marqué le début d’une ère de prospérité économique, de sécurité alimentaire et d’absence de calamité marquante. Les jeunes générations, qui n’ont pas le bonheur de l’avoir connu, recueillent des témoignages le décrivant comme un grand-père débonnaire, à la générosité absolument indescriptible, auprès duquel toutes les détresses ont trouvé solution.
N’était-il pas le recours de tous les sénégalais, quelle que puisse être leur origine, contre les abus de l’Administration ? Pourquoi l’a-t-on surnommé « na am mu am, du am du am » ? Il était crédité du don de Dieu de voir se réaliser toutes les prières qu’il formulait, comme s’il donnait des ordres aux éléments. Les exemples sont nombreux pour attester de ce don. Combien de fois a-t-on fait état de paysans venus solliciter ses prières pour déclencher la pluie à un moment où une trop longue pause pluviométrique avait commencé à installer l’inquiétude dans leurs cœurs ? Ce qu’il s’en est suivi chaque fois est encore présent dans les esprits : une abondante pluie qui contraint les solliciteurs à regagner leur village au triple galop sous la bourrasque, alors que, quelques instants auparavant, rien ne laissait prévoir un tel déchaînement des éléments.
Nombreux sont les gens qui vivent avec la conviction qu’il suffit d’invoquer Serigne Fallou en l’appelant par son sept fois, pour obtenir réalisation de ses vœux. En tout cas, le souvenir de son fils aîné, surnommé Serigne Modou Bousso Dieng est encore frais dans nos mémoires. Il a hérité de son père l’appellation « na am mu am, du am du am » : il a démontré à l’envi qu’il lui suffisait de formuler un vœu pour en voir la réalisation.
Ne soyez donc pas surpris si l’on vous dit que Serigne Fallou avait le pouvoir de parler aux animaux. A ce propos, ses contemporains rapportent un fait surprenant certes, mais très édifiant. Des talibés sont venus un jour se plaindre auprès de lui d’un cheval rétif, par la faute duquel les travaux d’emblavure d’un champ qu’il leur avait confiés avaient été sérieusement retardés. En effet, l’animal s’était montré particulièrement récalcitrant à tirer le semoir auquel il avait été attelé. Le marabout le fit venir et, le prenant par la bride, lui adresse cette harangue : « N’as-tu pas honte ? Là où personne ne veut être en reste pour gagner les grâces de Serigne Touba, toi qui as l’opportunité de t’impliquer, tu refuses de donner ton concours ! Vraiment tu me fais de la peine ! Je te plains ! » Les témoins abasourdis virent le cheval baisser la tête, rabattre ses oreilles et verser de chaudes larmes de repentir. Il fut désormais presque impossible de ramener à la maison à la fin d’une journée de travail : pris d’une ardeur inextinguible, il refusait s’arrêter de travailler quand, au coucher du soleil les talibés exténués ne pensaient qu’à regagner leurs chaumières.
Ce guide charismatique a laissé le souvenir d’un homme convivial, doté d’un très grand sens de l’humain et particulièrement doué pour trouver le bon mot destiné à détendre l’atmosphère et à mettre à l’aise ses interlocuteurs. Combien de fois a-t-il sorti d’affaire des justiciables sur le point de connaître les affres de l’incarcération, non pas pour assurer l’impunité à des malfrats mais pour donner une seconde chance à des citoyens qui, pour avoir une fois trébuché, n’en sont pas, pour autant, devenus irrécupérables pour la société ? Sous son magistère, la ville de TOUBA a connu un développement très important. En effet il a fait procéder au lotissement et à l’électrification de la cité tout en améliorant les infrastructures existantes. Il a fait bitumer les routes et a installé un premier forage à Darou Manan pour l’approvisionnement en eau. La Grande Mosquée porte sa marque indélébile : elle lui doit les cinq majestueux minarets qui la signalent à des kilomètres à la ronde et dont la plus grande est dénommée Lamp Fall, en hommage à Cheikh Ibra FALL, le fondateur de la Confrérie des Baye Fall.
Selon l’exemple de son Maître et de Serigne Mouhammadou Moustapha, le premier khalife, il a eu, lui aussi, à créer des villages – Daara très prospères dont nous retiendrons : Ndindy, Madinatou Salam, Alia Mbepp, Touba Bogo. Ces daara étaient le plus souvent supervisés par des anciens talibés de Serigne Touba.
Il est à noter que les revenus générés par ces exploitations ont été utilisés à financer la construction de la Mosquée ou à soulager les talibés en difficulté ou encore à entretenir les nombreux Maures que le Cheikh a ramenés de son séjour à Khomack. Cet être d’exception nous a quittés en 1968 pour rejoindre, nous en sommes persuadés, les rangs des bienheureux Combattants de Bedr.
D’où tirons-nous une telle conviction ? De la relation d’un événement, authentifiée par la crédibilité incontestable des témoins oculaires. En effet on raconte qu’un des vieux disciples du Cheikh avait pris la malencontreuse habitude de se prévaloir de son âge chaque fois qu’il s’adressait à Serigne Fallou. Il n’était pas rare, chaque fois qu’il évoquait un événement ancien, de l’entendre dire, avec une pointe d’ironie, au Khalife : « Evidemment, tu es trop jeune pour t’en souvenir… Au moment où cela se passait, tu n’étais pas encor né….Certes, tu es le Khalife, mais moi, je suis ton doyen par l’âge… »
Ceux qui connaissent Serigne Fallou savent qu’il se déplaçait avec une légère claudication, dont personne au demeurant, ne connaît la cause. Un jour, alors que le vieux talibé, à son habitude dissertait sur son âge respectable par rapport à l’extrême jeunesse du Khalife, celui-ci, excédé, rétorqua : « Où étais-tu, toi qui si âgé, lorsqu’à la Bataille de Bedr, je recevais cette blessure à la jambe ? » Et, joignant le geste à la parole devant une assistance médusée, il exhiba une cicatrice à sa jambe.
Personne, pas même ceux qui l’ont vu naître, ne se souvient que Serigne Fallou ait jamais été blessé à la jambe, de toute sa vie. Que faut-il en conclure ?
Cheikh Abdoul Ahad MBACKE (1968-1989)
Une opinion très répandue est que, si le Coran pouvait s’incarner sous une figure humaine, il aurait, à coup sûr, emprunté les traits de Serigne Abdoul Ahad. Autant le Coran est la VERITE suprême, autant Baye Lahat avait élevé au rang de sacerdoce la pratique de la vérité. L’imaginaire populaire a gardé de lui le souvenir d’un homme sobre dans sa gestuelle et dans sa vêture, très convivial dans sa courtoisie et sa serviabilité envers son prochain, mais opiniâtrement arc-bouté sur la Vérité. Il était connu que, personne, pût-il s’agir de la plus haute autorité qu’on puisse imaginer ou du parent le plus proche, ne saurait trouver grâce auprès de lui ou compréhension protectrice, s’il est dans le tort.
D’ailleurs, n’est-ce pas lui qui, dans un sermon mémorable, a donné le ton en affirmant qu’un musulman doit se retrancher opiniâtrement dans la Vérité et, dans la circonstance, considérer comme de nulle différence le fait de vivre dans la chaude et agréable sécurité d’un environnement qui partage ses convictions et celui d’être en butte à l’amertume de l’hostilité des détracteurs. Ce qui est déterminant, c’est que la constance dans ce qui juste engendrera pour lui ce qu’il y a de meilleur.
Si par sa constance dans le service de Dieu un croyant réussi à gagner l’agrément divin, nulle entreprise humaine, nulle coalition, fût-elle dotée des moyens les plus sophistiqués, ne saurait lui causer le moindre préjudice. Par contre rien ne peut préserver une créature de la sanction divine si elle a le malheur d’avoir contrevenu à La Loi. Pas même l’approbation humaine la plus unanime, encore moins les témoignages les plus élogieux de ses semblables.
Cet homme, de l’étoffe rarissime dont les témoins Véridiques d’Allah sont faits, a assimilé le Coran et les Sciences religieuses collatérales, très tôt, sous la férule de son oncle Serigne Amsatou DIAKHATE, frère de sa sainte mère, la vertueuse Sokhna Mariama DIAKHATE qui aura aussi le bonheur d’être la mère de Serigne Souhaïbou MBACKE, cet autre preux chevalier de l’Islam. De l’œuvre de son vénéré Père, il a une connaissance si pointue, une considération si profonde, que sa vie est la parfaite illustration des enseignements qu’elle véhicule.
Nous savons que Cheikh Ahmadou BAMBA enseigne à ses disciples le culte exclusif de l’Unique et une pratique fondée sur la Sunna. La connaissance approfondie des textes sacrés (Coran, Hadiths, Sciences religieuses, etc.) est évidemment un préalable incontournable, dans l’esprit du Cheikh qui, parallèlement, a élevé au rang de dogme sanctifiant, le travail honnête. Il est maintenant facile de comprendre pourquoi, pendant le long magistère de Serigne Fallou son prédécesseur (1945 à 1968), Serigne Abdoul Ahad ait, dans une discrétion, un effacement frisant parfois la recherche de l’anonymat, consacré sa vie travail en s’évertuant à ne vivre que du fruit honnête et licite de son travail. Son statut de fils du Maître l’autorise pourtant, s’il l’avait voulu, à vivre dans l’opulence, des offrandes (adiya) des disciples mourides. Il a préféré, en talibé parmi les talibés, exercer de ses mains, toute forme d’activités pour vivre de sa peine. D’ailleurs, n’a-t-il pas fait vœu, ainsi que tous ses frères et sœurs au demeurant, d’abdiquer de son rang de fils du Cheikh pour ne briguer que celui de talibé ?
En talibé exemplaire, on l’a vu, agriculteur émérite, manier lui-même dans ses champs, les instruments aratoires, avec dextérité et maîtrise. Sa productivité fut telle que dans ses exploitations de Touba Bélel, de Bokk Barga, de Kadd Balooji, de Mbara Dieng, il a gagné les galons de premier agriculteur.
Il a exercé le métier de commerçant, cependant sans jamais encaisser de ses clients plus qu’il ne lui est du. Il a même tâté du transport en commun. A l’évidence, une telle volonté de » mettre la main à la pâte » dénote chez lui, la volonté de s’assurer des revenus licites au point de vue de l’Islam.
Cette période de » galère » a permis à Baye Lahat d’engranger une extraordinaire somme d’expérience de la vie, une connaissance approfondie de la nature humaine, toutes choses qui, fécondées par la sagesse insondable puisée du terroir wolof, lui seront d’un concours inestimable pour la gestion de la Communauté, quand vint son tour d’exercer le Khalifat.
En effet, c’est un parfait inconnu du grand public qui accéda aux hautes fonctions de Grand Timonier de la communauté mouride quand, le 6 août 1968 Serigne Fallou rejoignit son Maître bien aimé au Paradis. La Communauté en particulier et le monde en général découvre un homme droit, honnête, ennemi irréductible du mensonge, de la duplicité et de l’hypocrisie. Sa rigueur inflexible le conduit très vite à mettre sur les rails un train de réformes de fond dont les résultats ne tardèrent pas à donner au Mouridisme un nouveau visage, tout de rectitude empreint.
Dès son avènement, Serigne Abdoul Ahad donne le ton. Il a d’emblée déclaré qu’à ses contemporains, il servirait de témoin, ici-bas et dans l’au-delà, à condition qu’ils s’enracinent dans la vérité et le service de Cheikh Ahmadou BAMBA ; en conséquence, que ceux qui emprunteront les voies tortueuses des faux-semblants sachent qu’ils n’ont rien à voir avec lui, qui qu’ils puissent être.
Ainsi, on a pu voir Baye Lahat mettre fin et de façon énergique aux sévices de ces » conférenciers publics » appelés » diwaan kat » Ces marchands d’illusion fondaient leur subsistance sur l’exploitation de la crédulité populaire. Par leur discours pernicieux, ils forçaient la générosité du talibé moyen en lui faisant miroiter l’accès facile au Paradis (même en tordant allégrement le cou aux principes de l’Islam), pourvu seulement qu’on fasse acte d’allégeance à Serigne Touba. A l’évidence Serigne Abdoul Ahad ne pouvait permettre que puisse prospérer une telle supercherie, au demeurant très préjudiciable à l’image du Mouridisme et de la Communauté elle-même.
On comprend que tous ses discours soient l’occasion de réaffirmer au passage, haut et fort, l’authenticité du message de Serigne Touba qui n’est autre que l’orthodoxie musulmane dans le sillage de l’Elu (P.S.L.) L’on n’est point surpris de la récurrence dans ces discours des références à la Vérité telles que le Coran les énonce. Nous nous souvenons par exemple que, pour rétablir l’ordre à propos de l’utilisation qui était faite par certains de la Grande Mosquée, sa base argumentaire a été cette citation du Coran : » Wa xul jaacal haqu wa za haqal baatilu innal baatila kaana za huqan. » La vérité et le mensonge ne sauraient cohabiter.
Par la parole persuasive et par l’exemple incitatif, Baya Lahat a explicité avec une rare réussite, la doctrine du travail rédempteur professé par son illustre père. Sans risque d’être démenti, nous pouvons affirmer que c’est son discours et son exemple qui ont insufflé aux disciples mourides cet esprit combatif avec lequel ils vont à la conquête du monde.
En multipliant les daaras, il a contribué à accentuer l’orientation de la communauté vers l’étude, la recherche de la connaissance car c’est seulement à cette condition qu’on peut rendre à Dieu le culte qui lui est du. Et, dans son esprit, il l’a clairement dit dans un de ses sermons, la connaissance ne peut profiter qu’à ceux qui ont, » chevillé au corps « , l’amour de la vérité, pour la seule face de Dieu. Par exemple, le musulman, cinq fois par jour au moins, se tourne vers l’est pour les besoins des prières obligatoires. Cela présuppose qu’il reconnaît que Dieu est un et qu’il seul maître de la création, que Muhammad (P.S.L.) est le sceau des Prophètes et, qu’inéluctablement, le jour du jugement dernier arrivera. Cela est d’ailleurs la quintessence de la profession de foi que le musulman énonce au moins deux fois dans le » taya » au cours de chaque prière :
» wa ash hadu ana lazi jaaca bihi Mouhamadan haqun wa anal janata haqun wa ana naara haqun wa ana siraata haqun wa ana saahata aatiyatun la rayba fihaa wa ana laaha yab ha su man fil xuboori »
[J’atteste que le Message du Prophète Muhammad (P.S.L.) est véridique, que le Paradis est véridique, que l’enfer est véridique, que » Siraat » est véridique, que le Jugement dernier aura lieu sans nul doute.
Fort de cette conviction, Serigne Abdoul Ahad, chaque fois qu’il en a l’occasion, invite les musulmans à se souvenir de cette profession de foi qui ne doit pas seulement rester au stade de formule proférée par la langue mais intégrée dans le vécu quotidien. Que nos actions, nos paroles, nos intentions, tout comme nos vœux pour notre prochain soient illuminés de la lumière de la Vérité pure car viendra un jour où tout le monde rendra compte.
Une autre facette de la riche personnalité de Baya Lahat est, en parfait conformité avec les enseignements de Cheikh Ahmadou BAMBA, son parfait ancrage dans les valeurs du terroir, du moins dans ceux de leurs aspects qui ne heurtent pas l’Islam. Ainsi, sans exagérer, on peut souligner sa grande fierté à appartenir à l’espace culturel négro musulman. Le Coran a établi qu’en Islam, la seule hiérarchisation des hommes qui vaille se définit comme une fonction directe de la crainte révérencielle de Dieu, à l’exclusion de tout autre critère, surtout ceux tenant à la race, à la naissance, à la fortune ou au rang social.
Ceux des hommes qui sont considérés comme étant les meilleurs sont ceux qui se signalent par la profondeur de leur respect des principes énoncés par Dieu. Dès lors Cheikh Abdoul Ahad, comme on l’appelle aussi en signe de respect pour sa grande érudition, nous enseigne que nul complexe d’infériorité ne doit nous habiter face à l’Arabe sous le prétexte que l’Islam a été révélé aux hommes dans sa terre et que sa liturgie s’exprime dans sa langue ; le blanc ne nous est pas supérieur et nous nous garderons bien de le singer d’autant plus que ses valeurs de civilisation, par bien de leurs aspects, sont incompatibles avec notre foi. Considérons donc, toujours selon Serigne Abdoul Ahad, que nous sommes des négros africains qui s’assument fièrement tels qu’il a plu à Dieu de les créer.
Nous pratiquons sans complexe aucun l’Islam qui est un message universel qu’aucun peuple ne peut s’approprier exclusivement. Nous appréhendons maintenant le fondement culturel du comportement du mouride. Celui-là revendique son islamité à part entière, mais une islamité exempte de toute forme d’inféodation à des schémas ou modèles pan arabes. Il est un musulman orthodoxe qui donc fonde sa pratique sur la Sunna de l’Elu (P.S.L.) qu’au demeurant Cheikh Ahmadou BAMBA a réhabilitée dans toute sa splendeur, dans toute son authenticité. Son habillement ne sera pas d’inspiration arabe ou autre, mais sera africain et surtout musulman. C’est à dire que cette vêture respectera à la lettre les canons édictés par l’Islam : ni étriquée, ni courte, ni transparente, ni taillé dans des tissus prohibés, comme par exemple la soie pour les hommes. Le vêtement remplira sa fonction, à savoir, couvrir le corps en assurant la décence et être suffisamment fonctionnel pour permettre de faire la prière de façon réglementaire et le travail sans être gêné aux entournures. Et voilà ainsi décrit le fameux » baye lahat « , que Baye Lahat a évidemment mis au point et qui est devenu sans conteste, le costume par excellence du mouride, en tout cas, un de ses signes distinctifs à côté du » makhtou « .
Encore aujourd’hui, c’est avec une émotion indicible que nous évoquons la sympathique silhouette de Cheikh Abdoul Ahad, invariablement habillé d’un superbe » baye lahat » taillé dans du tissu basin, la tête emmitouflé dans un épais turban fait de la même étoffe et les yeux protégés par d’élégantes lunettes noires. Le portrait est complété par l’exemplaire du saint Coran qu’il tient toujours à sa main droite et par le chapelet enroulé au poignet de la même main.
Cette vêture sobre, à la limite austère, est le meilleur signe de la répulsion du luxe et des mondanités d’un homme qui pourtant disposait des moyens les plus fantastiques pour mener une vie fastueuse. C’est un homme qui au cours de son magistère a eu à brasser des sommes colossales évaluées à des milliards de francs et qui avait le loisir de s’en servir à sa guise sans craindre aucune forme de contrôle, sans encourir une quelconque contestation. Pourtant, il n’a jamais confondu son avoir personnel et les contributions des talibés qu’il a entièrement et intégralement investis dans le » travail de Serigne Touba. » Bien qu’il ait été ravi à notre affection depuis juin 1989, les sermons qu’il nous a laissés et qui sont encore d’une brûlante actualité et d’une acuité indéniable, continuent d’être une source d’inspiration privilégiée pour les mourides.
Ces sermons ont la particularité d’être structurés comme de véritables dissertations. Ils en ont la structure dialectique, la rigueur scientifique du raisonnement, la clarté de l’exposé et le pouvoir de persuasion. Leur base argumentaire est invariablement le Coran, les Hadiths, les Qaçaïds. Comme Serigne Abdoul Ahad maîtrise à merveille les subtilités de la langue wolof et que son génie est amplement nourri par la sève de la sagesse du terroir (Cayor et Baol) et le bon sens paysan, c’était un réel plaisir d’entendre parler ce monument de l’éloquence.
Ce n’est donc pas surprenant que ces sermons aient été rassemblés, classés par centre d’intérêt, transcrits et traduits pour les besoins de leur édition sous forme de recueils, en vue de leur publication. On peut, à coup sûr, y trouver réponse à toute forme d’interrogation pour conduire sa vie de talibé. Parlez à un mouride et il y a de fortes chances que, pour étayer son argumentaire, il cite des extraits de sermon de Serigne Abdoul Ahad. L’on est frappé par la pertinence, l’à propos, la portée et la force de persuasion de ces succulents discours qui, rappelons-le, ont pour dénominateur commun l’expression sans aucune complaisance, dans la plus pure langue wolof, de toute la force, de toute la vérité du Coran.
» Gnakk Caaxaan » est un autre surnom par lequel Serigne Abdoul Ahad a été, de façon fort éloquente, désigné pour signifier que tout en lui exècre les faux-fuyants, la simulation, la dissimulation, la duplicité. On rapporte que, ce surnom, il l’a apprécié très positivement, comme un hommage à son amour de la vérité, autrement dit, à son attachement indéfectible au legs de son Père et de ses illustres prédécesseurs au Khalifat.
L’ardeur, l’opiniâtreté, et, surtout, le génie qu’il mettra à améliorer et à fructifier ce legs lui ont valu le prestigieux pseudonyme de BATISSEUR. D’une grosse bourgade rurale, il a fait en quelques années, une cité moderne en pleine expansion. Avec lui, Touba est devenu un vaste chantier en perpétuel devenir.
Pour les besoins de la fluidité de la circulation, surtout en période de Magal, l’axe qui relie Touba à Mbacké est transformé en une superbe autoroute, puissamment éclairée la nuit par une batterie de lampadaires très performants. Dans le même ordre d’idées, la ville est ceinturée par une rocade afin d’assurer un rapide dégagement des véhicules qui, autrement engorgeraient l’agglomération.
Les rues sont tracées de façon rectiligne dans le cadre d’un lotissement scientifiquement mené. Certains de ces axes sont bitumés au grand bonheur des usagers. Le lotissement a permis la viabilisation de près de 120 000 parcelles à usage d’habitation et qui ont été attribuées de façon absolument gratuite et sans discrimination aux demandeurs qui se sont manifestés. La seule conditionnalité exigée est de mettre en valeur le terrain reçu et de s’y installer effectivement.
Pour l’approvisionnement en eau, de nombreux forages sont réalisés et équipés, parallèlement à un important réseau d’adduction. Ainsi, la pression de la demande pendant les Magal et autres célébrations, est considérablement allégée.
La Grande Mosquée est l’objet d’importants travaux d’extension. Pour un milliard et demi, la capacité d’accueil de l’édifice passe pratiquement du simple au double grâce à l’aménagement d’espaces bien aérés, confortables et propices au recueillement. Parallèlement, la sonorisation est améliorée de façon à permettre aux fidèles de suivre de très loin, la liturgie. Les aires d’ablution sont multipliées et rendues plus fonctionnelles.
De nouveaux cimetières dotés de toutes les infrastructures nécessaires à leur fonctionnalité sont installés à l’est de la cité, sur les bords de la route de Ndindy.
Aïnou Rahmati, le Puits de Miséricorde est modernisé. Une puissante pompe d’un débit de 30m3/heure est installée pour alimenter un château d’eau d’une capacité de 50 000 m3. Pour l’usage des pélerins, 28 robinets sont posés. Ce nombre n’est pas innocent : il symbolise la somme arithmétique des valeurs de chacun des caractères arabes qui servent à écrire TOUBA. Pour comprendre cet aspect de la question, sachez qu’en arabe chaque lettre de l’alphabet est associée à un nombre qui représente sa valeur, de telle sorte la somme des valeurs des lettres qui composent un mot a une valeur indicative quant à l’appréciation du poids mystique de la réalité décrite par ce mot. 28 est donc le chiffre de TOUBA et on le retrouve très souvent dans le traitement de beaucoup de question touchant à la vie de la cité.
Pour abriter les écrits du Cheikh et les trésors inestimables que constituent les nombreux exemplaires du Coran dont la ville dispose et dont la richesse est faite de la diversité de leur origine comme la grande variété de leurs styles de calligraphie, Serigne Abdoul Ahad a érigé, à l’est de la Grande Mosquée une superbe Bibliothèque équipée de moyens sophistiqués de reprographie et d’une imprimerie ultra moderne. Un conservateur de très haut niveau gère ce précieux patrimoine qui compte des ouvrages venus de tous les coins du monde musulman sans parler des écrits des grands cheikhs du mouridisme.
C’est en hommage à son amour avéré pour les livres et le Coran en particulier que ce haut lieu a été choisi pour abriter son mausolée.
L’imposante Résidence Cheikhoul Khadim, à l’ouest de la Mosquée est en principe » la résidence de fonction » du Khalife. En tout cas il abrite les cérémonies officielles lors des grandes célébrations.
La Grande Université Islamique qui se situe au croisement de la Rocade dénommée » 70 » et la route de Daaru Khafoor, face au quartier Touba Madiyana, fait la fierté du monde musulman noir.
L’esplanade de la Grande Mosquée qui abrite les prières des jours de Korité et de Tabaski a été rénovée et dotée des équipements nécessaires à la fonction qui lui est dévolue.
Le marché central est modernisé et doté des installations adéquates. Ce marché dénommé OCAS a acquis un grand renom dans la sous-région.
La ville est pourvue d’un hôpital et d’autres centres de santé pour soulager les populations.
La construction d’une gare routière amie en partie fin à une certaine anarchie dans le secteur du transport interurbain.
Pour la sécurité publique et pour lutter contre la délinquance, un poste de Gendarmerie est implanté. En effet, victime de sa réputation de ville refuge, Touba était devenu le sanctuaire de tous les malfrats en rupture de ban et des trafiquants de tout acabit. Serigne Abdoul Ahad allait y mettre bon ordre. Viscéralement attaché à la sauvegarde de l’héritage placé sous sa responsabilité, Baye Lahat a entrepris une croisade impitoyable contre les vices qui avaient commencé à gangrener la ville sainte. Ainsi, une guerre sans merci est livrée aux contrebandiers, aux trafiquants et aux consommateurs des drogues, à l’alcool, au tabac, bref, à tous les marchands de mort qui attisent par leurs méfaits les foyers de la délinquance, ces vecteurs qui mènent infailliblement à la damnation éternelle. Nous lui devons le fait que Touba ait donné corps au slogan » ville sans tabac « , en référence à cette journée mondiale sans tabac qui chaque année, voit la Communauté Internationale demander aux hommes de bien vouloir s’abstenir d’user de tabac, le temps d’une journée.
L’on ne saurait clôturer ce chapitre, loin d’être exhaustif, des réalisations de Baye Lahat sans évoquer au passage, la densification du réseau téléphonique et de l’électrification de la ville. C’est avec lui qu’a commencé le processus qui allait valoir à l’agglomération de Touba l’honneur d’être déclaré cité modèle et surtout d’être reconnue comme la seule ville sans bidonville du monde.
Incontestablement, Baya Lahat a laissé une empreinte indélébile dans la ville de Touba, tout comme dans le cœur des mourides. Nous ne pouvons considérer comme un fait anodin l’avénement du XVème siècle de l’ère musulmane pendant son magistère. Pour nous c’est le signe prémonitoire de la marque profonde qu’il a imprimée sur la Communauté en général et la ville de Touba en particulier. A sa disparition, le 19 juin 1989, il a laissé une cité en plein essor et une communauté résolument soudée, mobilisée autour du culte de l’Unique. L’œuvre et l’enseignement de Serigne Touba, désormais vulgarisés aux quatre coins du monde, illuminent le cheminement des fidèles sur la route de la recherche de l’agrément du Seigneur par l’intermédiation du service rendu au Messager Ultime (P.S.L.) Le mensonge s’en est allé et la vérité s’est installée à demeure. Une conscience claire des tenants et des aboutissants de sa mission a toujours habité Cheikh Abdoul Ahad. N’a-t-il pas dit dans un sermon mémorable : « Au plus profond de moi, je sais avec pertinence que sur ce fauteuil que j’occupe, j’attends la mort qui, de façon inéluctable surviendra un jour. Et, un individu sensé, qui donc sait pertinemment que cette mort est une fatalité, ne peut pas avoir le loisir de nourrir des intentions mauvaises ou de commettre des actes répréhensibles. Il ne doit surtout, ni les commanditer ni les cautionner. » Nul doute que son Maître se félicite d’avoir investi ses espoirs dans ce grand héros de l’Islam. Nous sommes persuadés qu’au Paradis où il a rejoint le Cheikh, l’Elu (P.S.L.) lui fait fête en raison du travail colossal qu’il a accompli pour le triomphe de la Vérité. Quant à nous, le meilleur hommage que nous pouvons lui rendre, la preuve la plus éclatante de notre reconnaissance à son endroit, ce sera de faire nôtre ses propos que voici : « Il faut que chacun d’entre vous sache que ma résolution est la suivante : je choisirai de me taire de sorte que vous n’entendiez plus ma voix, plutôt que de vous tenir un discours qui, après analyse de votre part, ne débouche pas sur votre profit ici-bas ou sur votre salut dans l’au-delà. »
Cheikh Abdou Khadre MBACKE (1989-1990)
Nous en sommes d’autant plus convaincus que la simple évocation de certaines circonstances ayant entouré sa naissance, une nuit de vendredi de l’an 1914 à Daroul Alim (Alimoun Khabir) de NDAME renforce cette impression de symphonie inachevée. Dès qu’on lui a annoncé l’heureux événement, Cheikh Ahmadou BAMBA a convoqué son frère et homme de confiance, Serigne Thierno Ibra Faty (Mame Thierno) de Darou Moukhty pour lui confier la mission de se rendre à NDAME dans le but de faire le nécessaire requis par la circonstance. Au moment du départ, après lui avoir donné sa bénédiction, le Maître dit à Mame Thierno : « Au nom et par la baraka de ce nouveau-né que tu vas visiter, sache qu’au cours de ton voyage, à l’aller comme au retour, tous ceux que tu auras à rencontrer ou à voir sont préservés des flammes de l’enfer ! »
Ainsi, dès sa naissance, Serigne Abdou Khadr a commencé à incarner le bras vigoureux par lequel, Cheikh Ahmadou BAMBA a pourfendu, a fracassé tous les obstacles qui se dressent entre les créatures et leur salut. De tout temps, il a eu une influence bénéfique sur son entourage. Par la parole et par l’exemple, il a toujours eu à cœur d’inciter ses semblables à se consacrer sans réserve à Dieu et à son Prophète (P.S.L.)
L’imagerie populaire a voulu voir en Serigne Abdou Khadr la réincarnation de Cheikh Ahmadou BAMBA parce qu’en lui se retrouvent la plupart des traits de caractère qui ont distingué le Cheikh. Et, pour étayer cette thèse, les raisons ne manquent pas.
Sa mère Sokhna Aminata BOUSSO est la fille de Serigne MBOUSSOBE, un frère de Sokhna Diarra, la mère du Cheikh. Ainsi, de par sa mère, Serigne Abdou Khadr aurait été le neveu du Cheikh s’il n’avait été son fils. De cette naissance, il a hérité d’une piété si profonde que nul n’est surpris que, tout naturellement, il ait exercé, toute sa vie durant les fonctions d’Imam. D’ailleurs, depuis 1968, date de la disparition de Cheikh Mouhammadou Fallilou MBACKE, c’est lui qui a régulièrement officié à la Grande Mosquée de Touba. Très tôt, sous la férule de Serigne Ndame Abdourahmane LÔ, il a maîtrisé le Coran. C’est pour ensuite se rendre à GUEDE dans le but d’étudier les Sciences Religieuses, études qu’il complètera auprès de Serigne Modou DEME, un érudit incomparable qu’on désigne d’ailleurs par le surnom révélateur de « Alimu Soodaan. »
A l’instar de son Père et Maître, il a désormais inscrit sa démarche sous ce qu’on peut appeler le label « al istikhama », c’est à dire la droiture, cette droiture sous tendue par la mesure, l’équilibre et qui est la marque distinctive des élus de Dieu. Autant le Cheikh disait à qui veut l’entendre que ses ennemis peuvent tout dire de lui sauf qu’ils l’ont vu ou entendu, un jour, faire ou dire quelque chose que Dieu réprouve, autant Serigne Abdou Khadr mettait un point d’honneur à être ce pôle vers lequel convergent tous les cœurs qui cherchent un modèle de droiture susceptible de les conduire sur la voie dénommée « Siraatal mustaxiima. »
Il n’était certes pas le plus âgé de la famille du Cheikh, loin s’en faut, mais il avait un charisme tel que tous ses frères reconnaissaient et acceptaient implicitement son autorité morale, par sa droiture, son désintérêt des choses de ce monde, son peu d’attachement aux biens terrestres. On ne lui connaît pas plus d’une ou deux maisons à Touba. Et, s’il en a d’autres dans certaines contrées du pays, il n’y était pour rien. Il les devait plutôt à la ferveur de talibés désireux de lui faire plaisir.
D’ailleurs, invariablement, ces demeures étaient toutes construites autour d’une mosquée qui en est l’élément majeur. Il était rare qu’il soit absent de Touba. Il est connu que toute sa vie durant, il n’a manqué la prière du vendredi à la Grande Mosquée que pendant son séjour en terre saoudienne, pour les besoins du pèlerinage.
Serigne Abdou Khadr Mbacké, » Boroom Bakhdaad « , comme on l’a surnommé, aussi respectueusement qu’affectueusement, dirigeait les offices religieux et procédait lui-même à la prière sur les morts aussi souvent qu’il le pouvait. Cela était interprété très positivement par des populations qui y voyaient des preuves, s’il en était encore besoin, de sa profonde humanité, de son étroite implication dans toute forme d’action dont la finalité est le soulagement, le bonheur des populations.
Ami de tout le monde, il avait une popularité telle que tous les habitants de Touba, à commencer par ses frères, le considéraient comme leur guide religieux. D’une nature généreuse, comme son père, Serigne Abdou Khadr était très prodigue de ses prières sur tous ceux qui le sollicitaient à cet effet, surtout les malades qu’il guérissait de façon quasi miraculeuse si, tout bonnement, il ne » mettait pas la main à la poche » pour régler leurs frais médicaux, les ordonnances y compris.
Comme son père, » Boroom Bakhdaad « , avait une connaissance si extraordinairement approfondie des Hadiths et de l’histoire de l’Islam en général qu’en la matière il était devenu une référence. Il affectionnait particulièrement, entretenir son entourage de la vie et des faits du Prophète (Paix et Salut sur Lui) et de ses Glorieux Compagnons. Il en parlait avec une précision si étonnante, un soin du détail si poussé qu’on avait l’impression qu’il les avait connus physiquement: Les couleurs habituelles de leurs vêtements, la carnation de leur peau, la texture de leurs chevelures, les détails particuliers de leurs personnalités, leurs traits de caractère distinctifs, tout, jusqu’aux faits d’armes dont les uns et les autres sont crédités, leur niveau d’érudition et les capacités de chacun, tout était passé en revue avec minutie, comme s’il parlait d’amis qu’il pratique au quotidien.
Evidemment la sunna n’avait pas de secret pour lui. Et, comme son père, il mettait un soin particulier à se conformer à ce modèle parfait. Tous ses faits et gestes, comme ses paroles, étaient calquées sur ceux du Meilleur des hommes (Paix et Salut sur Lui) A l’exemple de son père, il montrait, à l’approche de l’heure de la prière, un regain d’enthousiasme frisant même l’euphorie. On le voyait alors s’apprêter avec la dernière minutie. Le Cheikh considérait la prière comme une comparution devant le Maître du Trône. Il fallait donc pour cet instant solennel observer un soin corporel et vestimentaire très minutieux. On pouvait alors voir Serigne Abdou Khadr, délicieusement parfumé des senteurs les plus suaves, se rendre au lieu de culte d’un pas alerte, plein d’entrain.
La ressemblance avec son père n’était pas seulement morale. Elle était aussi physique, et de façon absolument frappante. Même silhouette frêle et menue d’apparence, même vêture sobre mais adaptée à l’ascèse, même démarche rapide surtout si la destination est un lieu de dévotion. Leurs traits étaient empreints de la même sérénité et reflétaient le même bienveillant amour pour leur prochain mais aussi leur farouche détermination de repousser toute forme de compromis dans le service de Dieu et de son Elu (Paix et Salut sur Lui) La même douce lumière divine illuminait leurs yeux pleins de compassion pour le genre humain.
La profondeur de sa piété filiale a conduit Serigne Abdou Khadr à effectuer de fréquentes ziarra sur les mausolées des membres de la famille du Cheikh comme sur ceux de ses grands disciples. Ainsi il se rendait souvent à Nawel sur la tombe de Sokhna Asta Walo, la mère de Sokhna Diarra BOUSSO, sa vénérable grand-mère dont il visitait fréquemment le mausolée à Porokhane, à Sagatta Djolof sur celle de Mame Mâram un ancêtre du Cheikh, comme à Deqlé où repose Serigne Mor Anta Sally son grand-père paternel. Les sépulcres de Serigne Mboussobé son grand-père maternel et de son oncle Mame Mor Diarra à Mboussobé recevaient aussi ses visites assidues, de même que celui de Mame Bara Sadio, un grand-oncle du Cheikh, à Bofel.
Cette même piété filiale explique le profond et indéfectible attachement qui liait Serigne Abdou Khadr à son oncle Serigne Thierno Ibra Faty. Il lui rendait de fréquentes visites à Darou Moukhty et, bien après la disparition du saint homme, il a continué à entretenir d’excellents rapports avec sa famille.
Serigne Abdou Khadr nous a laissé le souvenir d’un homme au visage empreint d’une douceur angélique. Par-dessus ses lunettes qu’il portait très bas sur le nez, son regard indulgent traduisait toute la profondeur de son grand cœur, caressait et éclaboussait une généreuse et débordante magnanimité l’assistance venue solliciter ses bénédictions. A nos oreilles résonne encore le timbre bien posé de sa voix. Et, bien souvent, nous avons l’impression de l’entendre encore déclamer, de la façon magistrale et sublime dont lui seul avait le secret, les sourates qu’il récitait lors des prières du vendredi à la Grande Mosquée. Alors, c’est à grand peine qu’on réussit à réprimer les sanglots qui montent du plus profond de notre être.
L’amertume d’une perte prématurée ressurgit, surtout si l’on pense aux réponses qu’il faisait à tous ceux qui, s’adressant à lui, lui souhaitaient longue vie. A ceux-là, il répondait avec un demi-sourire : » Ce serait tout bénéfique pour vous ! Mais il a plu à Dieu qui nous l’avait donné pour notre bonheur de nous l’arracher après seulement onze mois de magistère.
Il aura vécu un séjour terrestre de 75 ans. Exactement comme son père ! A Dieu qui nous l’avait donné nous disons : « Inâ li lâhi wa inâ ilayhi râjihôn » De Lui nous venons, à Lui nous retournerons. Que Sa volonté s’accomplisse ! Bénis soient Ses arrêts, même si notre pauvre nature humaine, imparfaite par essence a de la peine à endurer les douleurs qu’ils peuvent engendrer.
Tout de même, il y a une petite atténuation à notre détresse : Serigne Abdou Khadr lui-même, semblait savoir que son magistère allait être éphémère. En effet, à tous ceux qui lui présentaient un projet qui s’inscrit dans la durée, il demandait invariablement d’en faire part, plutôt, à Serigne Saliou, celui qui allait lui succéder dans les fonctions de Khalife. Comme s’il savait qu’il n’aurait pas le temps d’entreprendre ou de piloter quoi que ce soit qui doive aller au-delà du très court terme.
Encore aujourd’hui, son ombre plane sur cette Mosquée qu’on imagine difficilement sans lui, tant il faisait corps avec l’ambiance des lieux. Et c’est tout naturellement que son mausolée, qui ne désemplit jamais, est situé à l’Est de ce monument incomparable de la Foi qu’il a servie jusqu’à son dernier souffle.
Encore aujourd’hui, ses exploitations agricoles et daaras de Guédé, Boustane et Bakhdad perpétuent le souvenir d’un Saint, d’un érudit incomparable et d’un serviteur de Dieu inégalable. Tel un éclair fulgurant, il a traversé le ciel de l’Islam, laissant pantois un peuple abasourdi encore incrédule d’avoir compté dans ses rangs un « esclave de Dieu » de cette dimension.
Suprême consécration de sa haute stature islamique, c’est toute la communauté musulmane du pays, toutes confréries confondues, qui a rendu hommage, en Serigne Abdou Khadr, à l’Imam des Imams, le jour de sa disparition en 1989. Nous ne doutons point qu’avec son père Serigne Abdou Khadr Boroom Bakhdad peut dire : « Qidmatuhû anil huyôbi az habat wa listiqâmatan wa safwâ wa habat »
A la droite du Cheikh, au Paradis d’Allah, devant leur Maître, le Modèle Parfait (P.S.L.), il doit goûter avec délice le salaire de la constance dans la droiture pour la seule face de Dieu. Puisse son aura et sa baraka rejaillir un peu sur nous et nous inspirer dans notre quête de la béatitude éternelle par le moyen de la constance dans la voie tracée par Cheikh Ahmadou BAMBA.
Cheikh Saliou MBACKE (1990-2007
Dès son accession aux fonctions de Khalife en 1990, après le bref magistère de Serigne Abdou Khadr, Serigne Saliou a tout de suite donné le ton en précisant, de façon claire et indubitable, la ligne qu’il entendait imprimer à son action à la tête de la Communauté mouride. En effet, dans son mémorable discours inaugural, il a, d’emblée, indiqué que, hormis l’Islam et par conséquent la gestion de l’héritage de Serigne Touba Cheikh Ahmadou BAMBA, rien ne saurait retenir son attention, encore moins susciter de sa part commentaires ou directives quelconques. Les choses étaient claires et chacun savait désormais à quoi s’en tenir. Fidèle à cette » profession de foi « , il est demeuré constant dans sa position, avec, comme unique préoccupation, la promotion de l’Islam à travers la fructification du legs de son illustre père.
Dans cette entreprise colossale, Serigne Saliou est servi, avec bonheur, par une connaissance insondable du Coran et des Sciences religieuses, une générosité incommensurable et une humilité indescriptible. Homme très intelligent et très cultivé, il a une claire conscience des enjeux qu’implique sa mission de Khalife, et surtout, il mesure à sa juste valeur l’impact que la conjoncture internationale peut avoir sur le devenir de l’Islam dont il est l’un des plus ardents défenseurs. Très ouvert à la modernité et au progrès, il est cependant d’une fermeté inébranlable et d’une vigilance absolue dans sa croisade pour la défense de la pureté de l’orthodoxie musulmane, à l’instar de son père.
Un fait très révélateur de la hauteur de vue de Serigne Saliou et de sa détermination à marcher sur les traces de Cheikh Ahmadou BAMBA dans le sens de la défense et de l’illustration de l’héritage de Seydina Muhammad (P.S.L.), sans autre considération, est l’acquisition en janvier 2002, à grand frais, d’un imposant immeuble à Taverny, en France.
<media1315|insert|left>
Qu’en a-t-il fait par la suite, lui qui sait qu’il ne mettra jamais les pieds en France ?
Il l’a tout simplement mis à la disposition de tous les musulmans qui peuvent y pratiquer, comme il l’a fait préciser, leur religion dans la paix, dans l’amour et le respect de l’autre et en parfaite conformité avec les lois de la République. Le détail est important. N’est-ce pas là la vraie image de l’Islam universel ? C’est un Islam à hauteur d’homme, fondé sur les valeurs de la paix, de la solidarité, de l’amour du prochain, de la noblesse des sentiments, du dépassement. C’est un Islam qui n’est synonyme de panarabisme mais simplement humain, qui ouvre les bras, sans distinction, à toutes les diverses composantes de l’humanité.
C’est un Islam expurgé de tous les germes de la violence, de la discrimination et de l’intolérance, respectueux des lois et qui ne peut, en aucun cas être une menace pour la stabilité de la société. En réalité, c’est ça le véritable héritage de Cheikh Ahmadou BAMBA que Serigne Saliou.
Serigne El Hadj Mouhammadou Lamine Bara MBACKE 2007 2010
A la même source il s’abreuva amplement de solides connaissances en sciences religieuses. Après de longues années passées aux côtés de ce dernier, il retourna auprès de son père pour continuer sa formation spirituelle. Agé de 82 ans Serigne Mouhammadou Lamine Bara est le sixième khalif général des mourides depuis la disparition de Serigne Saliou Mbacké le 28 décembre 2007.
Suivant en cela l’exemple de son père à l’égard de Serigne Touba, il avait troqué auprès de Serigne Fallou le lien de sang qui les unissait contre le statut de talibé agréé. Il est aussi son homme de confiance. Il est aussi connu pour son amour et son attachement indescriptibles pour son père et maître spirituel.
Très tôt attaché au service de son père il a eu à jouer des rôles divers comme chargé de mission ou homme de confiance dans beaucoup de tâches qui demandent abnégation, engagement et courage. Il a eu à se rendre à plusieurs reprises à La Mecque, en petit pèlerinage. Maniant avec aisance l’arabe comme le français, Serigne Bara est aussi connu pour sa perspicacité et son ouverture d’esprit.
Il est doté d’un remarquable sens de l’organisation, plusieurs fois éprouvé dans les travaux qu’il a eus à diriger à la tête de la famille de Serigne Fallou.Très entreprenant il était aussi très proche de Serigne Saliou Mbacké et fut même son chauffeur pendant 7 ans. De la même manière il était très lié à Serigne Abdou Khadre Mbacké et l’accompagnait chaque fois diriger les prières de vendredi à la grande mosquée de Touba.
Serigne Mouhammadou Lamine Bara Mbacké s’est aussi illustré par ses interventions remarquables aux travaux dans les champs de Serigne Saliou Mbacké à Khelcom avec ses disciples et toute la famille de Serigne Fallou Mbacké (travaux de défrichage, d’entretien ou de récolte) L’homme, pour ceux qui le connaissent, est réputé pour son assiduité aux prières du Vendredi, depuis l’inauguration, de la Grande Mosquée, le vendredi 7 juin 1963. Sa bonté de cœur, sa générosité et sa franchise sont largement attestées par tous.
Serigne Bara Mbacké est très attaché à la famille de Khadimou Rassoul et voue un respect remarquable, une gratitude et une dévotion exemplaire à ses prédécesseurs et se veut le digne continuateur de message. Grand travailleur et rassembleur, Serigne Bara s’est toujours attelé à la mise en œuvre de l’héritage de Cheikh Ahmadou Bamba. Depuis son accession au khalifat de Serigne Fallou, il a hissé le Kazu Rajab à une dimension encore plus resplendissante, avec le concours de ses frères, de toute la famille et des disciples.
Puisse Dieu, par la grâce de l’Elu (P.S.L.), la bénédiction de son illustre grand-père, Cheikhoul Khadim et la baraka de son maître spirituel Serigne Fallou MBACKE, le garder longtemps parmi nous et donner une issue heureuse à toutes ses entreprises.
Cheikh Sidy al Moukhtar MBACKE (2010 2018)
A son accession au khalifat de Serigne Bara ibn Khadim Rassoul, le 22 mai 1990, Serigne Cheikh Maty Lèye s’est attelé à enrichir le legs laissé par son père et ses deux grands frères qui l’ont devancé à ce khalifat. Ainsi, il concentre son énergie dans l’érection de « daara » (écoles coraniques traditionnelles), mais aussi la construction de mosquées, de bibliothèques, etc. Pour marquer son affection à l’endroit de Serigne Bara ibn Khadimou Rassoul, il lui a dédié la maison qu’il a érigée à Mbacké Kadior en guise de « adiya ». C’est lui aussi qui a rénové le mausolée de l’illustre disparu qui repose au cimetière de la ville sainte de Touba. Cheikh Sidi Moukhtar Mbacké dit Cheikh Sidi Moukhtar Mbacké est réputé comme étant un homme ouvert à la discussion tout en affichant son attachement à l’héritage de Khadimou Rassoul. Ainsi, au cours d’un Magal de Mbacké Kadior, il avait invité les étudiants à « épouser la droiture et de ne se consacrer qu’à la quête du savoir et de la sagesse, d’éviter les comportements déviants et de reconnaître l’autorité de tutelle comme le recommande Khadim Rassoul dans ses écrits Kun Katiman et Tazaoudou Sikhar ou le viatique des jeunes ». Cheikh Sidi Moukhtar Mbacké avait lancé un vibrant appel aux étudiants pour qu’ils arrêtent les grèves, le saccage des bus, les grèves de la faim et retournent aux amphithéâtres. Son appel était aussi allé à l’endroit des autorités sénégalaises, puisqu’il les avait invitées à trouver une solution à la question des bourses pour mettre fin aux mouvements d’humeur souvent violents des étudiants.
Le successeur de Serigne Abdoul Aziz Mbacké au khalifat de Serigne Bara ibn Khadim Rassoul a été aussi porte-parole de Serigne Bara ibn Serigne Fallou dès son accession à la tête de la communauté mouride. Le 30 décembre 2007, parti présenter ses condoléances lors du rappel à Dieu de Serigne Saliou, le président de la République, maître Abdoulaye Wade, avait rappelé les liens étroits qui l’unissent avec Cheikh Sidi Moukhtar Mbacké. Me Wade avait été reçu et raccompagné par Serigne Cheikh Sidi Moukhtar Mbacké en ce jour de deuil. Cheikh Sidi Moukhtar Mbacké est réputé pour sa générosité dans le chemin de Dieu, il a permis à plusieurs personnes de faire le pèlerinage aux lieux saints de l’Islam en leur payant le billet et en prenant en charge les autres dépenses inhérentes au voyage. C’est ce guide âgé de 86 ans qui a maintenant en charge le riche héritage spirituel de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké.
Serigne Mountakha Mbacké, le nouveau khalife général des Mourides
Fils de Serigne Mouhamadoul Bachir Mbacké ibn Khadim Rassoul, dont il assure à présent le califat, il se distingue très rapidement par son visage jovial traversé par une barbe blanche linéaire. Il est décrit comme un père d’une approche facile, ouvert et disponible.
C’est depuis la disparition de Serigne Moustapha Bassirou Mbacké son aîné, au mois d’août 2007, que Serigne Mountakha est sorti de l’ombre, puisqu’il était en retrait de toute mondanité. Ainsi dirige-t-il à présent la prière de la Tabaski à Diourbel, comme le faisait son aîné, reconduit les Ndiguëls de Porokhane où il se rend souvent. Il a aussi achevé la construction d’une mosquée à Darou Minam.
Cultivateur, il dispose de champs à Darou Salam Typ où il a installé un daara et y gère plusieurs disciples.Résolument dévoué au service de Khadim Rassoul, il détient toujours par devers lui, des feuillets du Coran qu’il psalmodie et en fait son compagnon de tous les jours. Son respect du Ndiguël lui a valu la confiance de Serigne Saliou.
Cette confiance se verra renforcée par les khalifes qui l’ont succédé (Serigne Bara Mbacké Falilou et Serigne Sidy Mokhtar Mbacké) par sa désignation comme représentant lors de certains évènements importants de la vie de la communauté Mouride
A l’image de son père, il est un grand érudit qui détient d’autres connaissances qui font de lui un homme d’une grande culture et dont la conduite est une référence pour les descendants de Khadim Rassoul et de tous les disciples.