LIBERTÉ DE LA PRESSE : Le monde continue de s’assombrir pour les journalistes
Sur la carte du monde, seulement 24% des 180 pays et
territoires étudiés affichent une situation « bonne » ou « plutôt
bonne » pour la liberté de la presse, contre 26% en 2018.
Après s’être renforcée ces dernières
années, « l’hostilité à l’encontre des journalistes, voire la haine
relayée dans nombre de pays par des dirigeants politiques, a fini par susciter
des passages à l’acte plus graves et plus fréquents », souligne RSF
dans un communiqué.
L’ONG constate « un accroissement
des dangers et, de ce fait, un niveau de peur inédit dans certains
endroits » parmi les journalistes. Le harcèlement, les menaces de
mort, les arrestations arbitraires, font de plus en plus partie des « risques
du métier ».
Aux Etats-Unis (48e, -3 places), un climat toujours plus hostile
s’est installé : « jamais les journalistes américains n’avaient
fait l’objet d’autant de menaces de mort », et jamais non plus ils
n’avaient « autant sollicité d’entreprises privées pour assurer
leur sécurité », souligne RSF. En juin, quatre journalistes et une
employée d’un quotidien du Maryland, le Capital Gazette, ont été tués dans une
fusillade.
Au Brésil (105e, -3), la campagne présidentielle ponctuée de « discours
de haine » et de désinformation, « augure d’une
période sombre pour la démocratie et la liberté de la presse » selon
l’ONG. En queue du classement, le Turkménistan succède à la Corée du
Nord : la plupart des médias y sont contrôlés par l’État, les derniers
correspondants clandestins de médias en exil sont « pourchassés
sans relâche », condamne RSF.
Au Vietnam comme en Chine, la presse officielle contrôle les débats publics et
des dizaines de journalistes, professionnels ou non, dorment derrière les
barreaux. Le « contre-modèle » chinois, « basé
sur une surveillance et une manipulation orwelliennes de l’information grâce
aux nouvelles technologies, est d’autant plus alarmant que Pékin promeut
désormais son modèle répressif hors de ses frontières », décrit
RSF.
« Les pays-laboratoires du contrôle de
l’information deviennent de plus en plus nombreux », prévient Christophe Deloire, secrétaire général de
RSF. « Il y a urgence. On a besoin d’un sursaut des modèles
démocratiques. Sinon ces contre-modèles vont prospérer et se multiplier ».
Ailleurs, le pluralisme de la presse « résiste
de moins en moins aux logiques de concentration commerciale et aux intérêts
économiques », comme au Japon (67e) ou en
Australie (21e, -2), déplore RSF. En
Europe aussi, la situation s’est fortement dégradée.
Dans cette zone qui reste la plus sûre, en principe, les
journalistes « doivent aujourd’hui
faire face aux pires menaces », décrit RSF : le meurtre à Malte, en Slovaquie et en Bulgarie, des attaques
verbales et physiques en Serbie ou au Monténégro, ou un niveau
inédit de violences lors des manifestations de « gilets jaunes » en France (32e, +1), de
la part des policiers comme des manifestants.
Le
rapport 2019 est alarmant mais certains pays continuent de montrer la voie,
comme la Norvège, qui reste en tête du classement, la Finlande (2e) ou le Costa
Rica (10e), un cas à part sur le continent américain, où les journalistes
peuvent travailler sereinement.
D’autres pays ont aussi changé de visage à l’occasion de
changements de régime. En Malaisie (123e, +22),
aux Maldives (98e, +22),
en Ethiopie (110e, +40)
ou en Gambie (92e, +30),
l’arrivée de nouveaux gouvernants a fait souffler un vent de fraîcheur sur la
presse.
« La
défense de la liberté et de la fiabilité de l’information doit devenir un enjeu
majeur pour les citoyens, quoi qu’ils pensent des journalistes, quelles que
soient les critiques », souligne
Christophe Deloire.
RSF établit ce classement annuel en relevant les violences
commises contre les journalistes et en rassemblant les analyses de
journalistes, juristes, et chercheurs du monde entier.
L’ONG évalue dans chaque territoire le pluralisme,
l’indépendance des médias, l’environnement et l’autocensure, le cadre légal, la
transparence et la qualité des infrastructures soutenant la production de
l’information. (Euronews)