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MESSAGE AUX POLITIQUES SENEGALAIS

Excellence Mr Macky SALL, Président de la République du Sénégal,
Mr Ousmane SONKO, Maire de la ville de Ziguinchor


Chers membres de l’entourage politique du Président Macky SALL et du Maire Ousmane SONKO


Chers membres des divers partis politiques qu’abrite notre bien-aimée nation, le Sénégal,


Chers sénégalais et sénégalaises, valeureux compatriotes sous tous les cieux, partageant le même amour pour le pays de la Teraanga,
Je viens m’adresser à vous, en quelques minutes, pour un message qu’il ressort de notre mission de partager. Je m’appelle Abbé Dominique Moussa DIAGNE, prêtre de Jésus-Christ pour le compte de l’archidiocèse de Dakar, ministre d’un royaume éternel.


En ma qualité donc de ministre, mais d’un royaume spirituel, je ne peux m’empêcher d’être interpelé en ces temps où le contexte socio-politique de notre pays prend une tournure inquiétante. Sans tomber pour autant dans l’alarmisme, je voudrais tout de même attirer l’attention de nous tous sur certaines réalités importantes, mais si humbles qu’elles peuvent facilement être oubliées.
Je partage ce message avec une conscience tranquille, pour répondre à l’invitation du Concile Vatican II dans la Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Gaudium et Spes, qui stipule en son n° 76 au § 5 qu’il appartient à la mission de l’Eglise de « porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement qui sont conformes à l’Evangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations. »


La politique est un bien, une valeur, une richesse. Le premier politique, au vrai sens du terme, c’est Dieu, qui non seulement est le Créateur de la Cité et de ses habitants, mais aussi Celui qui l’entretient par son Amour et la sauve. Or, Dieu ne crée jamais rien de mauvais. C’est plutôt l’usage pernicieux que les hommes font de sa création qui la pervertit et la blesse. Dérivé du grec ‘‘polis’’ qui signifie la cité organisée, le terme ‘‘politique’’ désigne entre autres l’ensemble des actions et décisions déterminant les règles de l’ensemble d’une société par les pouvoirs publics.
Si beaucoup craignent de s’y engager aujourd’hui, n’est-ce pas à cause de l’ivraie qui a été semée dans ce noble champ de mil, entraînant des actions et des représailles substantiellement étrangères à la politique elle-même, et d’abord une perversion du sens même du terme ‘‘politique’’ ? Ne doit-on pas s’inquiéter par exemple, lorsqu’un ancien président du Conseil des ministres de France comme Henri Queuille avance que «la politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes mais de faire taire ceux qui les posent » ? La politique, est-ce vraiment cela ? Car il y a ce que la politique est en elle-même, c’est-à-dire par essence, et la définition que l’on s’en donne et qui conduit notre praxis politique.
Il m’appert que, pour répondre véritablement à sa vocation initiale instituée par Dieu le Créateur, la politique doit signifier l’art de participer par nos opinions et actions divergentes à l’édification de la Cité. Le but de la politique, c’est l’édification de la cité, la promotion du bien commun et la sauvegarde des valeurs communes assurant un meilleur vivre-ensemble. Le carburant qui fait rouler donc la voiture politique, c’est le désir de servir la cité. Tant que les motivations demeurent personnelles, familiales ou ethniques, tant qu’elles ne visent pas à rassembler tous les fils et filles du pays pour travailler sincèrement à leur bien, elle n’est point politique, mais égotique, et permettez-moi le néologisme, syngénétique (du grec suggeneia qui désigne la parenté, la famille, les affinités).


L’objectif de ce message cependant n’est pas de faire un traité sur la politique, le bon sens suffisant presque pour connaître tout ce dont un peuple a vraiment besoin pour s’épanouir. Il n’est pas non plus, en cette période socio-politique aussi intéressante que délicate, de venir dresser une liste de coupables ou de victimes, ou de prendre position en faveur de qui que ce soit. L’objectif de ce message est de titiller la conscience de tout acteur politique afin que ce trésor que Dieu nous a déposé entre les mains, et qu’est la politique, ne soit point dilapidé et foulé au sol.
A cet effet, je commence par proclamer l’une des paroles de mon Divin Maître, au Ps 84, 11 : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ». Quatre termes retiennent ici mon attention, à savoir amour, vérité, justice et paix. Permettez-moi de les appeler aujourd’hui des vade-mecum pour l’exercice politique. J’aimerais revenir un peu sur chacun de ces termes avec vous.


Premièrement, l’amour. Plus exactement, le terme grec employé est èlèos qui désigne la pitié, la compassion, la bonté, la bienveillance.
Chers acteurs politiques, est-il utile de vous rappeler que nous partageons le même pays, un pays – Dieu merci- de foi, composé de musulmans, de chrétiens, d’adeptes de religions traditionnelles qui cohabitent en toute harmonie, partageant le sang et le sens du patriotisme ? Comment alors honorer la politique, si dans le désir de servir ce pays qui nous est commun, nous nous mettons à nous haïr mutuellement, à nous lancer des injures, à nous souhaiter réciproquement le malheur ? Comme ministre d’un royaume d’Amour, je dis ouvertement non à cela. « Pas d’antagonisme, pas de progrès », s’écriait Karl Marx. Vous avez le droit de ne partager ni les mêmes positions, ni la même vision des choses, mais vous n’avez pas le droit de vous haïr, de vous vouer mutuellement aux gémonies, de manquer de bonté envers le prochain. La dignité humaine ne doit être remise en question par aucune ambition humaine. Nous assistons cependant à des agressions verbales ou même physiques de plusieurs côtés. Ne cédez pas à cette tentation qui relève non pas de la vraie politique, mais de bas intérêts humains. Souhaitez-vous du bien. Après tout, notre retour à tous se fera vers Dieu.


Deuxièmement : la vérité. Le premier pas de la liberté se trouve dans la vérité. « Hê alêtheia èleuthèrôsei umas » : « la vérité vous rendra libres » nous dit Jésus-Christ en Jn 8, 32. Un politicien non libre peut-il libérer une cité ? Assurément non ! Et la première chaîne qui puisse emprisonner un homme politique, c’est le manque de vérité vis-à-vis de sa propre personne, vis-à-vis de sa mission et vis-à-vis des conditions dans lesquelles vit son peuple. S’il n’y a pas de vérité à ces trois niveaux, les fondations sont ruinées, et quand les fondations sont ruinées, que peut faire le juste ? Chers acteurs politiques, soyez rigoureux envers vous-mêmes quand il s’agit de la vérité. Ne permettez aucune tromperie en vous ni autour de vous. Votre entourage peut bien chercher à vous chatouiller les oreilles en vous disant ce que vous voulez entendre. Mais la vérité, ce n’est pas ce que l’on veut entendre, c’est ce qui Est. Que chacun vérifie en lui-même et dans son entourage, pour en extirper tout germe de fausseté, car vous avez beau être bien intentionnés, là où manque la vérité, se glisseront forcément les divisions, les manipulations d’opinion publique, les coups bas et j’en passe. Exigence de vérité, chemin de liberté.


Troisièmement, la justice. Sans bonté et sans vérité, il n’y a jamais de justice. L’on est juste à l’endroit d’une personne à qui l’on peut manifester de la bonté, et que l’on peut traiter avec vérité. Mais la haine et la fausseté, le mensonge ne peuvent jamais produire la justice. Un arbre mauvais ne peut produire de bons fruits. Il est exigeant d’être un acteur politique : pour cela, l’on doit s’être préparé plus longtemps à l’exercice de la vertu qu’à celui du pouvoir. Quel bien peut entrainer l’injustice ? Il n’y en a point. L’organe qui porte le nom même de la justice devrait en faire un combat non seulement quotidien, mais de chaque minute. Je dénonce, en tant que ministre du Juste Juge, toute injustice flagrante connue ou tacite, toute instrumentalisation ou tentative d’instrumentalisation de la justice dans le passé, dans le présent ou dans l’avenir. Chers acteurs politiques, la justice dans un pays est un organe sacré, un sacrement de la justice de Dieu. Et si la justice devient injustice, Dieu ne se reconnaît plus en elle, le peuple non plus. La justice s’implique au moins à trois niveaux : justice envers Dieu le Premier Juste, justice envers le prochain créé à l’image de Dieu, justice envers soi-même. Quel avantage de vivre alors dans la justice ? La sourate 19 (sourate Maryam) le dit au verset 96 : « A ceux qui croient et font de bonnes œuvres, le tout Miséricordieux accordera son Amour ». Ne fermez donc pas les yeux sur les choses injustes, quand vous détenez le pouvoir : les blessures d’injustice sont fécondes ; elles engendrent rapidement d’autres séries d’injustices. Dieu le juste regarde et voit. Acharnons-nous à être scrupuleusement justes les uns envers les autres, tous sans exception. Le pays s’en portera à merveille.
Quatrièmement : la paix. Point de paix sans justice, car là où règne l’injustice, il y a toujours des frustrations, et là où il y a des frustrations, il y a toujours aussi des troubles, des soulèvements, des manifestations qui peuvent engendrer la violence. Or la violence n’est jamais ni souhaitable, ni souhaitée. C’est une machine que conduit le diable. Il vous demande de la démarrer, mais une fois qu’il prend le volant, il ne s’arrête point là où vous souhaitez descendre. Il ne prend même pas l’itinéraire qui a été prévu. Tant que la violence peut être évitée, il faut l’éviter à tout prix, car elle peut coûter d’énormes pertes humaines, détruire des familles, plonger tout un pays dans le chaos, pour les quelques intérêts d’une personne dont le souffle est fragile, passager.

Non ! Le monde n’a plus véritablement besoin d’une effusion de sang, car après le Sang qui a coulé sur la Croix, tous les problèmes ont perdu la source de leur force : désormais, l’amour peut les régler autant qu’ils sont, puisqu’il se manifeste diversement à travers la bonté, la vérité, la justice, la communication, la transparence. Chers acteurs politiques, recherchez ardemment la paix sociale par votre refus de négliger l’amour, la vérité et la justice. Une paix sans ces trois valeurs ressemblerait à une maison bâtie sur le sable. Un rien peut l’anéantir. Or, Dieu a confié à ceux qui disposent du pouvoir public le grand dépôt de la paix, selon le Ps 72, 3 : « Que les montagnes produisent la paix au peuple, ainsi que les collines, par la justice ». Les montagnes et collines désignent ici les hautes autorités politiques, et la Parole déclare que cette paix descend sur le peuple par la justice. A la suite du Divin Maître, le Pape Paul VI écrivait au § 76 de son encyclique Sur le développement des peuples Populorum progressio, que « la paix ne se réduit pas à une absence de guerre, fruit de l’équilibre toujours précaire des forces. Elle se construit jour après jour, dans la poursuite d’un ordre voulu par Dieu, qui comporte une justice plus parfaite entre les hommes. »
J’arrive bientôt à la lisière de mon message, et je voudrais vous partager un avertissement prophétique, sur la base de la Parole de Dieu. Au verset 12 du Ps 84, il est écrit que « la vérité germera de la terre, et du ciel se penchera la justice ». Chers acteurs politiques, si vous avez obtenu la confiance du peuple, c’est que vous avez obtenu auparavant la confiance de Dieu qui, dans sa grande patience et son amour miséricordieux, espère toujours que vous serez ouverts à son Esprit pour exercer une vraie politique basée sur l’amour, la vérité, la justice et la paix. Il vous en laisse le temps, au cœur des satisfactions et déceptions du peuple. Mais si ce temps n’est pas mis à profit par vous, pour que ces valeurs soient effectivement prônées et vécues, Dieu décidera d’entrer Lui-même en action, et lorsque la lumière descend, les ténèbres s’enfuient. Il décidera Lui-même de faire germer la vérité de la terre, et là, toute la vérité apparaîtra, nul ne pourra s’y opposer. Toute trace de fausseté sera relevée et exposée au grand public. La Parole prophétise aussi qu’alors, « du ciel se penchera la justice », et aucun coupable ne pourra échapper à cette justice divine. Nous pouvons empêcher cela, mais seulement si nous conformons toute la praxis politique aux préceptes divins.


Excellence Mr Macky SALL, Président de la République du Sénégal, Mr Ousmane SONKO, Maire de la ville de Ziguinchor, chers membres de l’entourage politique du Président Macky SALL et du Maire Ousmane SONKO, chers membres des divers partis politiques qu’abrite notre bien-aimée nation, le Sénégal, chers sénégalais et sénégalaises, valeureux compatriotes sous tous les cieux, partageant le même amour pour le pays de la Teraanga, la balle est dans notre camp, le drapeau dans nos âmes. Que Dieu bénisse le Sénégal, mais en touchant tous les cœurs pour les ramener à Lui par l’amour, la vérité, la justice et la paix. Et par le ministère sacerdotal qui m’a été conféré, j’implore sur chacun de vous toutes les grâces dont il a besoin pour s’épanouir et servir dignement notre cher pays. Vous présentant enfin mon mea culpa pour toute parole maladroite, je vous assure ma communion spirituelle et mes prières de prêtre.

Abbé Dominique Moussa Diagne, Vicaire à la Paroisse Saint Jean Baptiste de Niakhar, Archidiocèse de Dakar.