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Entre espoir et ignorance, le Sénégal sous l’emprise d’un faux messie

Ousmane Sonko s’est fait connaître en tenant un discours qui a séduit bon nombre de sénégalais articulé autour de ces 2 mots magiques que sont le système d’une part et d’autre part le projet qu’il prétend porter pour sortir le Sénégal d’une situation qu’il décrit comme chaotique. A priori cela part d’un bon sentiment dirions-nous. Voilà qu’un jeune juriste ayant complété sa formation à l’ENA et qui a passé une dizaine d’années à éplucher les états financiers de quelques entreprises privées, nous révèle qu’il a « LA SOLUTION » du Sénégal.

Ainsi donc il aurait trouvé comment développer le pays en mode accéléré alors que des dizaines de très hauts cadres de l’administration de tous les ministères dont certains beaucoup mieux formés que lui avec 30 ans d’expérience n’ont pas compris ce qu’il fallait faire? Peut-être ai-je raté un épisode, la révélation divine concernant le nouveau messie? Pour comprendre je me suis approché d’un jeune cadre pastéfien qui m’a répondu: « père, moi je rêve et toi tu veux me réveiller, laisse moi à mes rêves fantastiques, je les préfère à la réalité »(sic). J’ai respecté son choix et l’ai laissé dormir…

Son mentor a même déclaré sans sourciller que le Sénégal est vraiment facile à développer. Admettons, je me demande pourquoi sur les 193 pays du concert des Nations seuls environ 40 sont considérés comme développés. Les 150 autres cherchent par tous les moyens à le devenir depuis des décennies, leurs dirigeants ont rivalisé d’ingéniosité, d’expertise, de plans, d’efforts et d’abnégation mais n’y sont pas arrivés. 150 pays dirigés donc par des cancres qui n’arrivent pas à la cheville de Ousmane-Le-Magnifique!
Lui il sait et c’est facile! Chapeau bas! Même Einstein malgré tout son génie aurait relativisé, mais pas notre ex jeune cadre des impôts.
Aristote disait: « l’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit ». De ces 3 qualificatifs, je me demande lequel attribuer à notre bonhomme, vous avez une idée vous? Pour nous aider à trouver, on peut au moins lui reconnaitre qu’il ne cherche pas du tout à ressembler à un sage et il est trop péremptoire pour douter. Il fonce, il nargue et il assume.

Mais reconnaissons quand même que ce garçon a du talent. Il a une façon de communiquer redoutable, il s’adresse non pas à la raison et à la réflexion en abordant la complexité des problèmes, surtout pas, il se rendrait compte qu’il est lui-même un problème. Non, monsieur suscite la colère et la haine, même si c’est bâti sur un tissu de mensonges, peu importe. Goebbels est probablement son maître à penser, lui qui disait: plus le mensonge est gros plus il passe et un mensonge répété 10 mille fois devient vérité ».
La colère et la haine ne laissent ni le temps ni la place à la réflexion et Sonko le sait.

L’élève a même dépassé le maître. Il ne se limite pas aux vils mensonges, il a inventé un ennemi invisible et embarqué tout une partie des citoyens contre cette cible commode et sans défense, responsable des problèmes de tous les gorgorlous du Sénégal: « le système ». Ah le système, ce machin abstrait auquel il donne une définition au gré de ses intérêts. Tantôt c’est l’ensemble des hommes politiques depuis les indépendances qu’il serait normal de fusiller dixit Sonko lui-même. Raison pour laquelle il avait refusé de parler à Karim Wade par exemple. Aussi avait-il promis qu’il ne ferait jamais alliance avec les acteurs de ce maudit système sous peine d’être pires qu’eux. C’est probablement à propos de cette dernière phrase que j’ai été en accord avec lui pour la première fois. Quand je le vois à la table des conférences des leaders de Yewi entouré de Khalifa Sall (PS) et Habib Sy (PDS) les 2 formations politiques à avoir dirigé le pays et son système de 1960 à 2012, et tout récemment pour avoir accueilli ou recueilli (c’est selon) Mimi Touré, alors oui il est peut-être pire qu’eux pour avoir berné les sénégalais et ravalé ce qu’il avait vomi hier.

Tantôt le système c’est le fonctionnement de l’Etat. Le mot d’ordre est donné aux débatteurs exaltés et surexcités de pastef dans les media. Le système ce ne sont plus les hommes, on ne peut donc lui accoler aucun nom. Dans ce cas évidemment il peut faire alliance avec tout le monde. Sans doute considère-t-il que ce ne sont pas des hommes qui font fonctionner l’Etat mais des martiens? Il nous prend vraiment pour des abrutis.

Mais là où il a été épatant, c’est d’avoir su mieux que n’importe quel marchand de tapis, vendre un projet dont chacun se fait une idée paradisiaque mais personne n’en connaît réellement le contenu ni le mode opératoire.
En parcourant son livre intitulé de façon présomptueuse « Solution », ainsi que son programme de campagne de 2019 fait à la va vite en passant quelques coups de fil ça et là et à travers quelques groupes whatssap (sans rire), on est tenté de se dire que si jeunot s’était donné la peine de consulter les différents plans de développement élaborés au Sénégal depuis celui du père Lebret de 1957-58 jusqu’au Plan Sénégal Emergent, en passant par les différentes et nombreuses études sectorielles qui foisonnent dans les ministères, il se serait ravisé et n’aurait pas osé sortir son livre, ainsi on ne saurait rien de son ignorance. L’autre disait: « un ignorant qui se tait peut avoir l’air aussi intelligent qu’un savant qui ne dit rien ».

En effet, déclarer que monsieur va développer l’industrie, l’agriculture, les infrastructures, la pêche, la pisciculture, le sport, l’artisanat, la culture, etc, sans jamais dire avec quels moyens techniques, humains et financiers, relève de simples voeux pieux et d’un manque de respect pour tous les hommes et femmes compétents de ce pays qui ont fait que ce pays soit un Etat, une Nation, qui avance et qui n’a plus rien à voir avec les Sénégal de 1970, 90 ou 2010 contrairement à l’image qu’il veut en donner. Nous en sommes les témoins et acteurs. Nous savons mesurer et apprécier le chemin parcouru parfois dans la douleur et au prix de sacrifices consentis ou imposés. M. Sonko qualifie dans son livre les anciens cadres de l’administration d’incompétents et de malhonnêtes. On lui pardonne, il ne sait pas, « da fa khamadi »

Ce qui est facile ce n’est pas de développer un pays, ce qui est facile c’est de le déclarer et c’est ce qu’il fait. Certains le prennent pour un courageux et pertinent pour l’avoir dit. Comme si on pouvait soutenir le contraire. Qui peut affirmer qu’il ne faut pas développer ces secteurs? Un peu de sérieux, la question est de savoir comment? Ce sont ces problématiques auxquelles les hauts fonctionnaires dans les ministères s’attachent à trouver des réponses au quotidien.

Mais monsieur Sonko n’a pas besoin de s’expliquer, il a une recette magique pour faire oublier les enjeux cruciaux. Il nous a vendu l’idée qu’il est honnête et patriote ce qui lui a valu d’être une pauvre victime de méchants prédateurs planqués dans le système et ceux de l’étranger, en particulier la France. Et plus il sera victime, plus on le croira sur parole. Il faut sauver le soldat Sonko quoi qu’il en coûte et quoi qu’il ait fait. Le Sénégalais est méfiant avec la vérité mais très complaisant avec celui qui sait jouer à la victime, ndeyssane…

Ce jeune politicien est trop fort, il a dribblé et ringardisé tous les anciens politiques qui ont une haute idée de la République et du jeu démocratique dans leurs beaux costumes et en grand boubou daminé. L’énergumène débarque sur la scène politique en tenue de combat, flanqué de 2 tonnes de gardes du corps et parle de « gatt », de « niaff » et de « dieul bakane ». Il menace le Président de la République, les magistrats, les forces de l’ordre tous ceux qui pourraient se dresser contre sa prophétie d’être le 5e président du Sénégal. Et s’il peut réduire au silence ces hautes personnalités, il va sans dire que les journalistes qui oseraient critiquer le Président du Pastef seraient du menu fretin pour lui. Lesquels incapables d’avoir sa majesté dans leurs émissions, se montrent agressifs envers leurs invités qui ne se prosternent pas devant PROS. On les a vus rivaliser de compassion et d’indignation pour sa vitre de 4×4 brisée en oubliant les vies brisées par les agissements de leur idole. On se demande comment font-ils pour retenir leurs larmes sur les plateaux?

Les intellos de Pastef doivent se sentir très à l’étroit et mal à l’aise au sein de leur parti, pris en sandwich entre des doux rêveurs et des fous furieux va-t-en guerre. Mais ils ont fait leur choix et doivent assumer car en vérité ils sont à Pastef ce que les parieurs sont au PMU, inutile d’en dire davantage, chacun a compris.

Anti-système et projet: avec ces 2 coquilles vides, OS a montré qu’il est un véritable magicien avec un art hors du commun à manier l’abstrait, à faire accepter l’inacceptable dans notre société, à transformer la lâcheté en bravoure, à faire oublier tous les défis auxquels notre pays est confronté et à réduire notre actualité et nos préoccupations autour de sa personne et de ses moeurs et de ses errements. Cela en revanche, est beaucoup plus abscons.

Quant au Président Sall, arrivé au pouvoir après les dérives de Wade et les tensions survenues entre le 23 juin 2011 et l’élection présidentielle de 2012, il nous fait un remake de cette crise. Nous pouvions espérer que les victimes de 2012 ne soient pas mortes pour rien et que plus jamais nous ne revivions cela. Malheureusement au vu de ce qui se prépare, l’histoire risque de se répéter.
Pour sûr, Cette démocratie électorale est le moyen des politiciens de réaliser leurs ambitions personnelles, tant mieux pour eux. Mais cela se fait-il dans les respect des valeurs de la société et de la République, et dans l’intérêt du Sénégal d’aujourd’hui et de demain? Pas si sûr.

En outre, on ne peut occulter sa responsabilité dans l’émergence de cette classe politique radicale et irresponsable qu’est la génération Pastef et de son trublion de chef.

Sous cet angle, ni M. Sall malgré un bilan économique honorable, encore moins M. Sonko qui demande de mourir pour lui, ne méritent de participer à la prochaine élection présidentielle.

Il est temps que nous nous affranchissions de cette lignée de politiciens et de leurs pratiques et que nous scrutions dans la société civile des dignes fils du pays bien formés, avec une solide expérience du secteur privé et public un homme ou une femme qui saura améliorer notre pacte social sans le briser, renforcer l’Etat et la Nation sans fissurer aucun des ses piliers temporels et spirituels qui les sous-tendent, asseoir la confiance dans l’avenir sans vendre des chimères, assurer l’autorité de l’Etat et la confiance dans la justice sans livrer de combats mortels, donner envie de réussir sans être envieux, etc.

Cette crise latente que nous vivons devrait sonner la fin d’un cycle, celui du PS, du PDS, de l’APR et des opposants combinards et aventuristes. Refusons d’être les otages consentants à leur desiderata et exigeons des candidats de qualité et passons les au crible, le recrutement d’un directeur ou d’un chef de service est soumis à des critères de sélection sévères, comment peut-on envisager d’être laxiste pour la fonction la plus importante, Président de la République?

Badou Sané