MEXIQUE : El Chapo, de la toute-puissance de la cocaïne au néant de la prison à vie
C’est une chute vertigineuse ! Après avoir exercé sa toute-puissance pendant des dizaines d’années au Mexique, le narcotrafiquant Joaquin Guzman, célèbre dans le monde entier sous son surnom d’ « El Chapo », tombe dans le néant de la réclusion à perpétuité aux Etats-Unis. La condamnation est tombée ce mercredi, conclusion d’un procès qui s’est tenu à New York de novembre 2018 à février dernier.
Un portrait de l’accusé réalisé pendant le procès :
L’ascension à la tête du cartel de Sinaloa
Guzman est sorti du caniveau, ou plutôt du fossé, dans un village perdu au milieu des montagnes de l’Etat de Sinaloa, dans le nord-ouest du Mexique, pour devenir finalement le maître absolu de sa région natale, et bien au-delà, à la tête du terrifiant cartel du même nom. Issu d’une famille paysanne pauvre, il a dû travailler dès l’enfance comme vendeur de rues. Mais à l’adolescence, il a compris que pour gagner de l’argent, il valait bien mieux cultiver du pavot et de la marijuana et en faire commerce.
C’est comme ça qu’en se faisant remarquer pour sa débrouillardise et son audace, on finit par être recruté par une bande, puis un gang, puis un cartel… Il plaît au parrain de Guadalajara, Miguel Angel Felix Gallardo, qui l’embauche et le fait monter dans la hiérarchie. En 1989, le patron est arrêté, il faut tout de suite combler le vide. Avec trois autres « lieutenants », Guzman, qui commence à se faire appeler « El Chapo » – qu’on pourrait traduire par « petit », car il ne mesure qu’ 1,60 m, mais « costaud » – saute sur l’occasion et fonde le cartel de Sinaloa.
Le « bon vieux temps » du cartel :
Rusé et cruel, digne du Colombien Pablo Escobar
Il est doué pour les affaires… de marijuana, d’héroïne, de cocaïne, et il a la trempe, l’ambition et la cruauté d’un célèbre prédécesseur, le baron de la drogue colombien Pablo Escobar, abattu par la police dans sa ville de Medellin en 1993. En quelques années, il va inonder les Etats-Unis de poudre blanche grâce à une armada personnelle de bateaux, de sous-marins, d’avions, avec la bénédiction de policiers, de militaires, de juges et d’hommes politiques mexicains corrompus à grande échelle. Les services américains de la lutte anti-drogue estiment qu’en une trentaine d’années, il aurait écoulé au moins 1 200 tonnes de cocaïne sur leur territoire.
On ne reste pas chef d’un cartel mexicain de la drogue sans être rusé et impitoyable. De nombreux témoignages l’ont démontré au cours du procès, « El Chapo » a fait exécuter ou a tué de ses propres mains, parfois après des séances de torture, au moins 26 personnes, des policiers mais surtout des membres d’autres gangs rivaux et – ceux qu’il haïssait le plus – des « balances » qui l’avaient trahi.
Roi de l’évasion des prisons de haute sécurité
Le narcotrafiquant sanguinaire a aussi bâti sa légende sur ses incroyables évasions de prison. Arrêté une première fois en 1993 au Guatemala, il finit par trouver la combine pour se faire la belle en 2001, pourtant d’un établissement de haute sécurité : il franchit les murs en se cachant dans un bac de linge sale. Les forces de sécurité ne retrouveront sa trace que treize ans plus tard, il est alors capturé dans la station balnéaire mexicaine de Mazatlan en 2014.
Mais dès juillet 2015, « El Chapo » réalise son coup le plus « médiatique ». Tout le monde, ou presque, a vu les images : il s’évade de la prison d’Almoloya de Juarez, dans l’Etat de Mexico, par un trou creusé dans la douche de sa cellule, une cavité qui débouche sur un tunnel de 1,5 kilomètre de long que ses complices ont pris soin d’équiper de rails pour le faire sortir rapidement.Le patron du cartel de Sinaloa profitera de sa liberté à peine six mois; en janvier 2016, les forces spéciales mexicaines mènent un violent assaut contre une maison située à Los Mochis, sur la côte pacifique, et le délogent vivant.
La chute dans le néant
C’est le 19 janvier 2017 que la vie de Joaquin Guzman a vraiment basculé dans le vide. Extradé ce jour-là aux Etats-Unis, âgé maintenant de 62 ans, il n’a plus pour horizon que l’Administrative Maximum Facility, une prison du Colorado à la réputation solide puisqu’elle est surnommée « l’Alcatraz des Rocheuses ». Il doit y passer le reste de ses jours, sans avoir l’autorisation de revoir sa femme, Emma Coronel et ses deux petites filles jumelles.
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